Août 1944

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Le Réveil 1944

AOÛT 1944 - LE PASSAGE DES HORDES ALLEMANDES À CHAMOUX-SUR-GELON

Le mois d'août, pour notre commune, a commencé tragiquement. Après une vogue sans pain ni viande dans les boulangeries et boucheries, le mardi matin, Chamoux était cerné par les Allemands. Ils commencèrent par brutaliser plusieurs personnes puis convoquèrent tous les hommes dans la cour des écoles. Cette "vérification de papiers" se termina par une harangue au cours de laquelle on nous présenta comme terroriste dangereux un jeune homme des plus calmes du pays. Sa figure tuméfiée et sa chemise déchirée nous renseignèrent suffisamment sur la prétendue correction de ces tristes individus. Dans la soirée, fut retrouvé dans une grange au-dessus du village de Montendry, le cadavre de notre compatriote Félicien Aguettaz. Il était méconnaissable. Le même jour un Israélite fut arrêté, dont on retrouva le corps neuf jours plus tard sur la route dépouillé du linge et de l'argent qu'on lui avait dit d'emporter.

LES INCENDIES S'ALLUMENT

Secteur calme jusqu'au 22, sauf la disparition du car nous reliant à Chambéry. Le chauffeur est revenu blessé. Pourtant on sent de l'énervement chez les occupants et la nuit est troublée par le passage de convois sur la route de Maurienne.
Dans la matinée du 22, la réquisition se fait exigeante : il faut immédiatement des attelages avec des conducteurs pour débarrasser le fort d'Aiton. De nos trois compatriotes partis ce matin-là, nous fûmes sans nouvelles pendant huit jours : après être montés jusqu'au versant italien du Mont Cenis en étapes nocturnes à la lueur des incendies, ils furent ramenés en France et considérés comme prisonniers. Leurs gardiens leur firent piller des fermes aux environs d'Epierre. Ils réussirent à prendre le large et sont tous rentrés, heureux d'avoir la vie sauve, mais écœurés de ce qu'ils ont vu.
Le 22 août après-midi, la présence de femmes dans la rue fit échouer à Bourgneuf un coup de main de l'A.S. contre les Allemands en quête de bicyclettes. Un quart d'heure après, le centre de Bourgneuf recevait des projectiles incendiaires. La chaleur, le fourrage engrange, l'arrivée tardive des pompes, tout cela aida le feu à se propager rapidement. Huit ménages sont dans la misère. Rien ne fut sauvé chez M. Lavoine, parti le matin même en voyage forcé vers l'Italie. Vers le pont de Bourgneuf, la maison Aguettaz fut incendiée par deux soldats ivres. Et pendant que le feu faisait rage l'équipe pillait le quartier de la gare de Chamousset ; ils firent de même dans les trois jours suivants dans les maisons restées debout au hameau de l'Eglise de Bourgneuf. Hommes et enfants, en grande majorité, montèrent se réfugier à Môntendry et à Champlaurent.
Jeudi 24 de bon matin, le fort d'Aiton fit explosion. Une colonne de fumée s'élevait bientôt aussi de Châteauneuf. Une bonne nouvelle pourtant : dans la soirée, 68 ennemis se rendaient au-dessus de Bettonnet.

VOICI LES AMERICAINS !

Vendredi 25, des rafales se faisaient de plus en plus distinctes.
D'un instant à l'autre, nous attendions les Américains signalés vers midi à La Rochette puis à Villard-Léger.
1944 - Bombardement des ponts : les dégâts sur le Pont-Royal Dans la nuit des gerbes de flammes du Villard d'Aiton éclairent lugubrement la vallée. Mais les Américains étaient là. Une vive fusillade éclata vers 2 heures du matin. Puis on entendit une forte détonation, bientôt suivie d'une autre formidable, qui fit trembler les maisons : le pont d'Aiton et le pont Royal venaient de sauter. Comme à un signal, tout bruit cessa, et la nuit s'acheva dans un silence lourd d'anxiété. Pourtant, quand le jour arriva, nous étions débarrassés.

Le Pont-Royal bombardé. (Document photo ajouté : www.ac-grenoble.fr)

L'article n'est pas signé.
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Bibl. dioc. St Jean de Maurienne / Transcription A.Dh.


Source : Le Réveil, été 1944
(Le Réveil, « quotidien catholique de la Résistance du sud-est », né le 1er septembre 1944 sur les presses grenobloises de l’ex Sud-Est suspendu à la Libération. Il disparaît en février 1952.) cf http://museedelaresistanceenligne.org