L'abbaye cistercienne de femmes du Betton au fil du temps
L'abbaye du Betton a-t-elle sa place dans ces pages ? Elle a tant de liens avec Chamoux, ses seigneurs, puis… ses malades, que nous lui ouvrons une page, et même, une page… qui sera un peu longue.
Pour une approche détaillée, voir "Textes à l'appui" ci-contre
• La fondation de l'abaye
C'est l'abbé Félix Bernard, ancien curé de La Table, qui raconte 1 : au XIIe siècle, l'ordre de Bernard de Clairvaux se développe : dans la Combe et la Haute Combe de Savoie, Pierre Romestang (le futur archevêque de Tarentaise Pierre II) fonde l'abbaye cistercienne de Tamié pour les hommes (et il en prend la direction), et l'abbaye cistercienne du Betton pour les femmes (et il y place sa mère Fribourge et sa sœur).
L'abbaye du Betton est fondée en 1132 ; l'installation des moniales du Betton daterait du 7 des ides de mai 1133.
• Des religieuses, cisterciennes
Au XIIe siècle, les coutumes et l'horaire étaient très variés chez les cisterciennes. Au début du XIIIème siècle, la multiplication des maisons de Moniales impose plus d'organisation : à partir de 1213, pour appartenir à l'Ordre, les Couvents devront adopter une Clôture Stricte.
Mais la Contre-Réforme ne valorise guère les principes austères des cisterciens, les vocations se raréfient, les règles se font moins rigoureuses… exposant les moniales à la critique!
• Une réunion de filles nobles
Jeunes filles ou veuves, elles furent nombreuses à se faire religieuses, cloîtrées, entre elles, les dames "de bonne famille."
Dans le désordre, on relève :
- Alice et Marguerite filles de Nantelme de Miolans (Cette dernière en sera l’abbesse en 1270)
- une Eygline de Chevron-Villette abbesse du Beton en 1311 (de Foras)
- Engeline de Vilette abbesse du Beton signe en 1342 un parchemin concernant des échanges faits avec plusieurs personnes (A.D. Hte Savoie)
- Catherine de Villette abbesse du Betton vers 1409 (de Foras)
- Alexie de Crescherel abbesse de Betton vers 1420
- à la fin du XVe s, Claudine de Luyrieux religieuse de Château-Chalons, puis abbesse du Betton (Guichenon)
- Sé/Bastienne de la Chambre fille de Jean II de Seyssel-La Chambre, fut abbesse du Beton; (selon de Foras) elle avait avec elle, en 1570, au Betton, Delle Charlotte, sa sœur. Elle agit à ce titre, le 9 février 1573, le 30 mai 1573, le 31 juillet 1573. En 1577, elle fait, en cette qualité procéder à la visite des bâtiments du Betton, en assez mauvais état; Guichenon la dit encore abbesse en 1790 ; mais elle est relevée de ses vœux (voir plus loin)
- sa sœur Charlotte de la Chambre-Seyssel était en 1570, au Betton, non religieuse, avec Rde Dame Bastienne, sa sœur abbesse du Betton . Elle y était encore en 1573, et, à cette date, qualifiée religieuse et secrétaire. Mais elle sortit du couvent et se maria (2 fois) épousa 1°) contrat de mariage du 23 novembre 1578 Jean-François Costa de Bennes, comte de Pont-de-Veyle, vicomte de Miribel. Elle reçut en dot 14-000 livres . Jean-François plaidait, en avril 1582, avec Aimée de la Baume pour le paiement de la dot, pour laquelle les revenus de la seigneurie de Chamoux furent engagés le 9 octobre 1588. Elle épousa 2°) le 23 janvier 1592 (Guichenon, Savoie, T. III, P . 430), Christophe d'Urfé' seigneur de Bussy . Elle était morte avant le 5 avril 1594.
- sa sœur Philiberte de la Chambre, veuve de François des Barres, seigneur de Neufvy, se serait faite religieuse du Betton et serait devenue abbesse de ce monastère. (de Foras est dubitatif)
- Marguerite de Mareste de Lucey, pendant quarante-cinq ans, de 1594 à 1639
- (mais De Foras relève : Anne de Commiers, abbesse du Betton, vers 1614)
- Françoise Favier du Noyer de Lescheraine, religieuse (1613, 1625), puis abbesse du monastère de Betton, morte et remplacée en 1652 par Rde Dame Suzanne de Monteynard
- Jeanne de Crucilieu, abbesse en 1655 (ADS 1J 203)
- Marguerite Lucas d'Aléry, mère abbesse du Betton (vers 1716)2
-1730, M.Françoise de Gruel du Villard abbesse du Betton
- 17 mai 1736, élection de la coadjutrice de l’abbesse en place, Rde Marie, fille de François Degruel de Villars
- Marianne Chollet du Bourget, abbesse (1787, 1793)
On pouvait y "faire carrière" :
- Patentes soit placet de Son Altesse Royale en faveur de Révérende Dame de Crusillieux Desley, religieuse au couvent de Bonlieu pour être reçue coadjutrisse au couvent du Betton, ordre de Cisteaux ensuite de la nomination qu'en ont fait les Révérendes religieuses du Betton pour coadjutrice à Révérende Dame Francoise Favier, dernière défunte abbesse dudit lieu, par lesquelles Son Altesse Royale leur permet d'icelle recevoir pour coadjutrice avec future succession à Dame de Montenard qui auroit été nommée abbesse ensuite du placet de Son Altesse Royale, les dites patentes du 1 Juin 1652, avec l'arrêt d'enregistrement ensuite du 21 Juin suivant 3.
- Confirmation du Révérend Abbé de Cisteaux de l'Abbesse du Betton en faveur de Suzanne de Montenard, religieuse professe en ladite abbaye et de Dame Jeanne de Crusilieu pour la coadjutorie de la dite abbesse avec future succession de la dite abbaye, la dite confirmation du 13 Septembre 1653, dans laquelle confirmation est fait mention du placet soit brevet de Son Altesse Royale en faveur de la ditte abbesse.*
On trouve chez le Tabellion d'Aiguebelle plusieurs contrats d'entrée en religion, dont celui de Demoiselle Rosalie Thérèse Margueritte fille du Seigneur Dom Antoine Petitti, passé devant notaire (comme un contrat de mariage) : il évoque une jeune fille d'une position sociale élevée, dont la famille prend des précautions avant de la confier à l'Abbaye, afin de la protéger des éventuelles tourmentes du siècle.
(ci-contre : Textes à l'appui : Entrée en religion)
• Bien chantant mais mal accordant 4
En septembre 1520, voulant visiter le Saint-Suaire à Chambéry, Monseigneur Edmé, abbé de Clairvaux va d'abbaye en abbaye - quand il peut ; il passe par Genève, Annecy/Bonlieu, Tamié, arrive à Betton le 15 :
là, "il y avait une bonne et maîtresse abbesse avec 20 ou 22 religieuses assez bien chantant mais mal accordant, témoin les répons des matines. L'abbesse reçut Monseigneur, et traita bénignement et doucement durant la visitation, et il trouva les religieuses aucunement disposées à bien."
• Dérapages au Betton
Un couvent de femmes… cela fit jaser (à vrai dire, les contes populaires sont aussi pleins de récits de paillardises de moines). La réputation des Dames du Betton en souffrit, évidemment.
Potins ?
Au vrai, il y eut au moins une religieuse pour encourager les mauvaises langues: Sébastienne de la Chambre (au Betton de 1578 à 1590).
Peut-être était-elle vraiment entrée dans les ordres contre son gré ? En effet, les seigneurs chefs de famille aimaient à placer leurs pions dans tous les centres de pouvoir. Peut-être cette charge sans vocation devint-elle insupportable à l'Abbesse quand elle rencontra un quasi voisin, Jacques de Montmailleur, comte de Brandis ? (Comment cette femme cloîtrée l'avait-elle donc vu ?) En tous cas, elle obtint une dispense de Rome et l'épousa.
Son plus grand tort était à venir : son mari, gouverneur du fort (assiégé) de Montmélian, le défendit fort mal contre les armées d'Henri IV. Léon Menabréa raconte que :
« la femme de Brandis qui s’amusait à fabriquer au chalumeau de petits objets de verroterie, avait envoyé a celle de Sully un collier et des pendants d’oreille très ingénieux. Celle-ci lui envoya en échange six lapereaux, six levrauts, douze cailles grasses, une douzaine de pains blancs mollets et douze bouteilles de vin et réclama en même temps un entretien. Ces dames s’étant vues une fois, puis deux, puis trois, puis enfin ne pouvant se passer l’une de l’autre, arrêtèrent secrètement plusieurs points concernant la reddition du château. »
Mais ce n'était pas fini : sa sœur Charlotte se fit-elle vraiment religieuse? Car elle aussi, quitta le Betton pour se marier; et cela ne dut pas provoquer des états d'âme dans sa famille, qui la dota. Selon De Foras :
« Charlotte de la Chambre-Seyssel était en 1570, au Betton. Mais elle sortit du couvent et elle épousa 1°) contrat de mariage du 23 novembre 1578 Jean-François Costa de Bennes, comte de Pont-de-Veyle, vicomte de Miribel. Elle reçut en dot 14-000 livres. Jean-François plaidait, en avril 1582, avec Aimée de la Baume pour le paiement de la dot, pour laquelle les revenus de la seigneurie de Chamoux furent engagés le 9 octobre 1588. Elle épousa 2°) le 23 janvier 1592 (Guichenon, Savoie, T. III, P . 430), Christophe d'Urfé, seigneur de Bussy . Elle était morte avant le 5 avril 1594»
De gré ou de force
Il est vrai que toutes ces dames ne sont pas toutes entrées par vocation : l'usage voulait que l'on privilégie un enfant - un fils bien sûr -, afin de préserver la transmission des biens sans trop d'effritement. Donc, un fils, l'aîné souvent (mais pas toujours) était destiné à hériter. On payait leurs études aux autres garçons, pour qu'ils se fassent officiers, ou entrent dans les ordres.
Quant aux filles, on les mariait avec une dot que l'on tardait parfois beaucoup à payer; mais surtout, on plaçait nombre d'entre elles au couvent, très jeunes : là, une petite dot suffisait, c'était plus économique - un contrôle des naissances aristocratiques en somme.
Et puis, le monastère prenait parfois l'allure d'une "maison de redressement", un lieu où s'étouffent les scandales. En 1724, le Comte de Sales des Lances raconte qu'une famille a voulu "porter plainte" contre le suborneur de leur fille2 :
"J'ai cru leur devoir faire insinuer que cette plainte doit être secrête pour éviter l'éclat qui déshonorerait leur famille. J'ai appris hier soir qu'ils ont conduit la Demoiselle dans le couvent du Betton". (Parfois, le garçon était conduit presqu'en face, à la prison de Miolans; mais pour quelques semaines - lui !)
Ragots ?
1664… "Un commerce scandaleux"
- Requête présentée au Révérend Demontholon par Dom Nicolas Grandat, prieur claustral de l'abbaye de Thamié , sur ce que qu'il lui seroit venu à notice qu'une sœur Louise Francisque, religieuse professe de l'abbaye du Betton, avoit en un commerce scandaleux avec un Révérend Meinier, (…).5
Relation confirmée par une lettre du 9 août 1664 de Jeanne de Crucillieu…
… sur un "malheureux accident arrivé au Betton par les mauvaises pratiques du doyen Meynier avec une de ses religieuses. Depuis 5 ans elle a fait son possible pour étouffer cette conversation. Elle lui a interdit l’entrée du monastère et à la religieuse tout commerce avec Meynier. Elle a averti plusieurs fois le père pour qu’il y mette ordre. Elle en a donné avis au premier président pour Notre Altesse. Elle a aussi donné avis au père du doyen. Elle a fait des dépenses extraordinaires pour faire les lieux réguliers et fermer la maison et la rendre hors d’escalade. Mais le doyen est passé par l’église enlevant des ayes [lattes] du plancher pour se rendre dans la chambre de cette malheureuse. Elle a fait tout son possible pour étouffer ce bruit éclatant que la fuite nocturne et indiscrète de cette malheureuse religieuse quoi qu’on lui ait donné deux filles pour gardes, ayant été obligée de l’envoyer quérir chez de nos voisins, les séculiers l’ont su. Elle en a donné avis à l’évêque de Maurienne. Elle demande à Madame royale que la punition éclate autant que la faute a fait du bruit".5bis
1738: une diablerie... au nom de Dieu (?)
Puis, au printemps 1738, autre affaire, autres ragots : Étienne Graffion, natif de Saint-Pierre d'Albigny, Intendant des provinces du Chabalais, puis du Faucigny, écrit à sa femme :
« plus de 30 personnes sont impliquées dans l'horrible affaire du Betton... Madame Petitti (une piémontaise) y est impliquée avec trois autres, ce n'est pas d'une grossesse dont (il) s'agit, mais d'une diablerie... au nom de Dieu ».
Il ajoute avoir accompagné au Betton l'envoyé du gouverneur de Savoie, et recueilli les plaintes de chaque « parti ». Les potins vont bon train. Mais une enquête diligentée par Turin « dégonfle la cabale ». Huit jours après l'envoi du rapport, Graffion baisse le ton :
« Les affaires du Betton sont finies... C'est ce malheureux (aumônier) qui est l'auteur de toutes ces vilainies... tout est tranquille et ce moine s'est évadé... »5ter
Nb: Marguerite Petitti, fille d'un haut responsable du gouvernement piémontais, entrée à l'abbaye en 1734, avait fait partie du clan des "rebelles à la Règle"; sa présence est encore attestée au Betton jusqu'en 1753. Puis à 37 ans, la religieuse disparait des listes, sans précision de l'aumônier.
Désobéissance à la Règle et conflits internes 5bis
Les premières années du 18e siècle sont marquées par la gouvernance de l'abbesse Marie de Menthon du Marest, rebelle à la stricte discipline cistercienne : bientôt, soutenue par une partie des nonnes du Betton, elle entre en conflit avec l'abbé de Tamié, avec ses autres religieuses. Mais elle sait opposer les pouvoirs, recourt à l'abbé de Clairvaux, au roi, à l'abbé de Hautecombe, jouant de la colère et des apparences de la docilité.
Dès 1719, les sœurs ne sont plus vraiment "cloîtrées" : on passe la clôture par dessus, et bientôt par-dessous, les visites se multiplient:
"abus de parloir ! pas plus d’une journée au Betton pour les parents de l’abbesse et des religieuses. Trop de religieux étrangers, cause de relâchement, qu’ils s’abstiennent d’aller au Betton". (lettre du roi)
On donne des repas fins aux visiteurs, les règles d'abstinence sont oubliées.
Jougla, l'abbé de Tamié rapporte des propos sulfureux de l'abbesse qui résiste à ses injonctions :
L’abbesse dit en plein chapitre à ses religieuses : « Quel mal m’en est-il revenu de tout ce qu’ai fait? Vous l’avez vu, quel châtiment ai-je subi ? Je ne crains rien. M’aurait-on épargnée si je n’avais pas eu raison ? J’irai et je me soutiendrai jusqu’au bout. » (1724)
Mais les religieuses attachées à la règle se rebiffent :
"Nous n’avons plus de ménagement à garder avec notre abbesse puisqu’elle n’en garde plus avec nous et qu’il s’agit de notre salut.
Nous sommes résolues de nous sauver en obéissant à notre Père immédiat.
Signé : Sœur Marguerite de Reveyron prieure; Sœur Ph de Roberty, Sœur; Jeanne Collet; Sœur Marguerite Duvillars; Sœur Françoise Reveyron" (Lettre au Roi, 1720)
Hola !
Les lignes qui précèdent montrent aussi que les religieuses, quoique cloîtrées, étaient sous surveillance!
Et pas seulement les Dames du Betton, car la Règle était mise à mal dans d'autres monastères aussi :
Lettre de commission émanées de Révérend frère Jean Petit, abbé chef, supérieur, général de tout l'ordre de Cisteaux en faveur de Révérend Dom George Meillardet, proviseur au séminaire de Dole, pour visiter les abbaye de Thamié, d'Hautecombe, d'Aulx, de Chesery, du Betton, de Ste Catherine de Bonlieu, y reformer tout ce qui devra y être réformé tant pour regard du spirituel que du temporel, les dites lettres du 26 Octobre 1676, avec un décret sur requête du dit Meillardet, permettant d'exécuter la dite commission.5
• Bâtisseuses
La première abbaye du Betton date donc de 1133. Combien de temps ses murs ont-ils tenu ?
En 1571, au nom des religieuses, noble Antoine Losaz convient d'un "prix-fait" avec un charpentier de St-Pierre de Soucy : gros travaux en vue pour l'église, le cloître, le dortoir… Il en coûtera 500 florins à l'Abbaye.
Mais en juillet 1597, "les soldats de Lesdiguières pénètrent par force dans l'abbaye des moniales qu'ils offensent et chassent indignement, se ruent sur tout ce qu'ils pouvaient emporter, et comble de méchanceté, ils brûlent leurs archives et les reconnaissances de la maison pour rendre impossible la perception de leurs droits, dîmes et taxes diverses. Ils n'oublient pas de profaner l'église et même d'en abattre entièrement la toiture. Le lendemain matin, ils se rendent à Chamoux pour se reposer de leurs désordres (si le bourg de Chamoux fut épargné, c'est que l'état-major de Lesdiguières tenait à se garder un logement)" 1
Le 24 août 1716, les Dames du Betton passent un prix-fait avec Jacques Chesaz, maître maçon de Chamoux originaire de la Valsesia pour la construction "de fond en combles" d'une nouvelle église, d'un cloître, de dortoirs : il a déjà réalisé entre autres grands chantiers, la nef de la nouvelle église de Chamoux (bientôt, il ajoutera le chœur) ; il s'engage à livrer la construction sous quatre ans.
Ce document6 est précieux pour la compréhension d'une architecture monacale, et du mode de vie des religieuses.
En 1719, l'église est en reconstruction : "la clôture est gardée autant qu’on le peut dans un temps que l’on bâtit une belle église, (l’ancienne étant tombée);" mais les travaux sont gênés par "des inondations".
Il a fallu faire "un emprunt de 8000 florins pour la nouvelle église"
En 1720, les injonctions de l'abbé de Tamié et du roi, donnent priorité aux travaux de rétablissement de la clôture : l'abbesse "fait travailler à la clôture, elle a interrompu pour cela le bâtiment de notre église."
Aussi, en 1724: "l’église que l’on bâtit n’a que les 4 murailles et le couvert. Les religieuses y vont prendre le café et le chocolat avec les séculiers."7
Aïe !
• Gestionnaires
L'abbaye avait des biens, des droits (et des devoirs), un pouvoir au sens féodal.
Elle entra en conflit avec son voisin, le comte de Mellarède, ministre du roi qui avait acquis le fief du Bettonnet : cet bourgeois natif de Montmélian, monté très haut dans les sphères du Pouvoir, voulait plus: il avait des prétentions sur le fief du Betton. Des procès s'ensuivirent.
Dans le conflit entre l'abbesse du Betton et l'abbé de Tamié, Mellarède semble avoir soufflé sur les braises; et sa nièce, sœur Truffon, sema encore la zizanie dans une abbaye pacifiée :
Au sujet de Mellarède encore : "Quoique religieuse professe, {elle} se détache en sa faveur des intérêts de l’abbaye où elle attire Mr de Mellarède le fils qui étant dans nos parloirs y chante et danse. (…) Il n’y a de sorte d’entreprise que, par l’ordre de son père Mr de Mellarède, le fils ne fasse et n’ait fait contre nos droits et possessions. "
Aussi, l'abbesse "implore le roi contre les entreprises de Mr le comte de Mellarède et les inquiétudes que lui causent ses fils et que ceux-ci ne viennent plus troubler la paix du cloître et qu’il soit défendu à Sœur Truffon, nièce de Mme de Mellarède de n’avoir plus aucun commerce avec eux" (Lettre de l'abbesse au roi, octobre 1728)5bis
En conséquence, le roi donne ordre de "faire recevoir Sœur Truffon dans un autre monastère [Sainte-Catherine], au plus tôt. Interdiction aux frères Mellarède, à Loisat et à l’abbé Victor d’aller à l’abbaye du Betton et d’échanger des lettres".(novembre 1728)
Finalement, la nièce des Mellarède, qui briguait la succession de l'abbesse, put regagner le Betton à sa demande - mais après que la nomination de la future abbesse eût été verrouillée!
• Propriétaires terriennes
EN TRAVAUX
le cadastre de Chamoux de 1728 cite parmi les personnes ayant un droit féodal dans la paroisse : dame Marie-Françoise de Gruel du Villard, abbesse du Betton.
Entre Berre et le bourg de Chamoux, près du pré de la Chapelle, existait aussi un lieu-dit "L'Abbaye"
On trouve de nombreux contrats de gestion des terres chez le Tabellion, par ex :
Contract d'abbergement passé par les Révérendes Dames Religieuses du Betton en faveur de Me Joseph Lozat, natif du Bourget en Maurienne Notaire, ducal, habitant à Villarlégier de quelques pièces de vigne, teppe, buisson sous la servitude annuelle et perpétuelle de trois barrils de vin mesure d'Ayguebelle, ratification faite par le Révérend vicaire général de Cîteaux du susdit contract, une quittance en faveur du dit Lozat avec l'arrêt du sénat portant l'enregistrement des dites pièces.3
(bribes)
• La fin d'une abbaye
L'Assemblée nationale française avait voté la suppression de l'ordre pour motif d'inutilité dès février 1790. La Révolution va disperser les religieuses, et l'Abbaye connaîtra la fin de sa très longue histoire.
L'abbé Félix Bernard raconte les années semi-clandestines d'une de ces femmes retournées à la "vie civile", près de la Rochette, et qui tenta de poursuivre son engagement auprès des jeunes filles des alentours…1
Voir ci-contre: Fin de l'abbaye
Un hôpital qui rend malade
Que faire du site du Betton ? Dans cette vallée alors victime de nombreux désordres physiologiques (fièvres, paludisme, goître et crétinisme), on ouvrit un hôpital.
Le 16 février 1827, l'Administration fit l'acquisition d'une partie de la propriété de Betton. Le 6 mars 1827, les Lettres royales approuvaient la création de l'hospice des aliénés pour la province de Savoie. À partir du 1er juillet 1828, les aliénés y sont soignés par les Sœurs de la Charité de St Vincent de Paul, aidées par des hommes.
Hélas ! Malgré sa position ensoleillée, la proximité des miasmes, la réunion des malades, aggravaient encore la morbidité des patients : même les soigants étaient atteints. Alors, entre 1847 et 1853, on transféra l'hôpital à Bassens…
C'était avant les grands travaux sur le cours des rivières, qui assainirent enfin la région.
2012 - 2020 - 2023 - Recherche et transcription A.Dh.
Sources
1- Félix Bernard, Le Pays de Gelon… chapitres XXVII et XXVIII
2- Est-ce la Supérieure évoquée dans "Voyage littéraire de deux religieux bénédictins" (Paris 1717) : "Npus séjournâmes 2 ou 3 jours à Maurienne, et nous en partîmes combles des bontés de Monseigneur l'Évêque pour aller à l'abbaye de Beton, de l'ordre de Citeaux. Madame de la Roche d'Alleri, sœur du comte de la Roche qui défendit Turin assiègé par les Français, en est labbesse""
(ouvrage cité par Max Bruchet dans "La Savoie d'après les anciens voyageurs : Ammien Marcellin, Eustache Deschamps, le mystère de Saint Bernard de Menthon, Rabelais, Montaigne, les ambassadeurs vénitiens, Thomas Coryate, le cavalier Marin, le "diario" de Rucellai, la glorieuse rentrée des vaudois, Montesquieu, Windham et Pococke, La Rochefoucauld, Young, Stendhal, etc, etc " ( Impr. de Hérisson frères, Annecy, 1908), en ligne sur Gallica_fr)
3- Archives de Turin S.9 (cf Jean Nicolas La Savoie au XVIIIe siècle p.403 - Ed. La Fontaine de Siloe)
4- cité par Max Bruchet (p. 45 et suivantes) dans La Savoie d'après les anciens voyageurs : Ammien Marcellin, Eustache Deschamps, le mystère de Saint Bernard de Menthon, Rabelais, Montaigne, les ambassadeurs vénitiens, Thomas Coryate, le cavalier Marin, le "diario" de Rucellai, la glorieuse rentrée des vaudois, Montesquieu, Windham et Pococke, La Rochefoucauld, Young, Stendhal, etc, etc / ( Impr. de Hérisson frères, Annecy, 1908) consultable sur Gallica.fr
5- A.D.Savoie (IR 207)
5bis- Archivio di Stato di Torino - Materie ecclesiastiche > Monache di là dai Monti > Mazzo 2 - Liasse : Le Betton: remerciements à l'Archiviste de Tamié qui nous a communiqué cette source précieuse d'informations originales.
5ter- J. NICOLAS, La Savoie au 18e s. Noblesse et bourgeoisie, Paris, 1978, d'ap. arch. Thuyset. Lettres de Graffion à sa femme.
6- A.D.Savoie en ligne : Bureau du Tabellion d’Aiguebelle – 1715 – 2C 2102 F°675 (II page 285/405)
7- Archivio di Stato di Torino Materie ecclesiastiche > Monache di là dai Monti > Mazzo 2 - Liasse : Le Betton
Bibliographie
• Pierre LE BLANC DE CERNEX L'abbaye du Betton aux 17e et 18e siècles, Vie religieuse et sociale in Vie religieuse en Savoie : mentalités, associations / actes du XXXIe Congrès des sociétés savantes de Savoie, Annecy, 13-14 septembre 1986 p.289 (en ligne sur Gallica)
• L'abbaye du Betton :
Mémoires et documents publiés par la Société savoisienne d'histoire et d'archéologie - 1912 (SER2,T52). - p.15 (http://gallica.bnf.fr/) p.15 et suivantes
Mémoires et documents publiés par la Société savoisienne d'histoire et d'archéologie - 1886 (T24). p.296 et suivantes. http://gallica.bnf.fr/
Le Pays de Gelon, petit-fils de Charlemagne - Félix Bernard 1969
Pour les chercheurs : ressources à explorer ?
Gallica.fr
Mémoires de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Savoie 1884
"Documents relatifs à l'abbaye du Betton" p. 313 et suivantes
Archives départementales de Savoie
• les registres du Tabellion (en ligne)
• SA 149. Province de Maurienne : Titres de la Maison de La Chambre (suite.)
- Contrat de mariage conclu entre Jean, comte de la Chambre, vicomte de Maurienne, et Aimée de la Baume, fille de Jean de la Baume, comte de Montrevel, gouverneur et lieutenant général pour le roi de France en tous les pays de Savoie, Bresse, Bugey et Valmorey, fait a Bourg-en-Bresse dans la maison et logis dudit comte de Montrevel, copie authentique (1546, 6 décembre).
- Pièces du procès intenté par Louis de La Fayette, chevalier, au nom d’Anne de Vienne, sa soy disant sa femme, auparavant religieuse, contre Jean, comte de La Chambre et Gaspard de Saulx, seigneur de Tavannes, au nom de leurs femmes, Aimée et Françoise de la Baume, et aussi contre les tuteurs des mineurs de Sombernon à propos de la succession de François de Vienne et de Benigne de Grandson (1547- 1549).
• Consignements et sommaires des titres de fiefs, 1758-1781 (SA 4 - F°117)
• Archives Départementales de Savoie, Archives en ligne / autres Archives en ligne /section Archives de Cour. - Consignements et sommaires / S 64 - F°68
• AD073 cote 2B236 vue 165 : nomination de sœur Marthe Lucas d'Allery
• Archives Départementales de Savoie, Archives en ligne / Archives du Tabellion de St Pierre d'Albigny /1697 (2C 1106) F°176 (p 170/189 ) : Acte d'état