En fait, il n'y a pas un, mais deux châteaux à Chamoux, distants de quelques centaines de mètres.
Sans compter les maisons fortes.
On voit toujours la maison forte de Villard-Dizier.•>
Les ruines à peine visibles du plus ancien château (Châteauvieux, ou Château Verdon), sont enfouies dans les fourrés, dans la pente qui mène à Montendry. (voir Les sires de Chamoux, Châteauvieux)
Il est resté longtemps inscrit dans le paysage des pentes : on en voit encore le plan sur la Mappe de 1728; Félix Bernard cite 0 un acte de vente du château de Verdon-sur-Chamoux en 1433 : témoin, Rd Etienne Borni, curé de La Chavanne où il ne réside pas, vivant plutôt au château de La Rochette où il fait l'office de chapelain du seigneur Jean de Seyssel de Barjact !
Le plus "récent", au cœur du village, bien visible et toujours superbe, porte en réalité une belle charge d'Histoire… et d'histoires, attestées au fil des chroniques des nombreux seigneurs qui l'ont occupé.
Ses "propriétaires" connus
Jean de la Rochette XIVe s. | ? | Thomas, prince de Carignan XVIIe s.. | 27 ans | |
Antoine de Seyssel XVe s. | ? | Emmanuel-Philibert-Amédée de Carignan XVIIes. | ±24 ans | |
Jean de Seyssel XVe s. | 39 ans | Philibert Chappel de Rochefort XVIIIe s. | ±26 ans | |
Aimon de Seyssel-La Chambre XVe s. | 5 ans | Jean et J-Louis Chapel de Rochefort XVIIIe s. | ±9 ans | |
Louis 1er de Seyssel-La Chambre XVe s. | 47 ans | Pierre Meillarède XVIIIe s. | 12 jours | |
Jean 1er de Seyssel-La Chambre XVIe s. | 27 ans | A. de Montfort XVIIIe s. | 30 ans | |
Jean II de Seyssel-La Chambre XVIe s. | 38 ans | Joseph d'Albert XVIIIe s. | 53 ans | |
Jean-Louis de Seyssel-La Chambre XVIe s. | 13 ans | le baron A. Graffion et sa veuve XIXe s. | 34 ans | |
Pierre de Seyssel-La Chambre XVIIe s. | 19 ans | Hippolythe de Sonnaz XIXe et XXe s. | 40 ans | |
Charles-Emmanuel de Seyssel-La Chambre XVIIe s. | 6 ans | Victor et Rose de Sonnaz XIXe et XXe s. | ± 68 ans | |
Louise de Seyssel-La Chambre XVIIe s. | 9 ans | les Chiara (XXe s.) | ±70 ans |
… (2012 : le château appartient à des personnes privées)
En 1775, la liste des propriétaires et des biens a été établie jusqu'à son propriétaire de l'époque: voir l'acte de propriété.
Un Monument historique
Le Château de Chamoux est inscrit partiellement sur la liste des monuments historiques depuis le 19 juillet 1977 1:
- les façades et toitures du château et de l'entrée avec ses deux tours,
- les plafonds à caissons du vestibule, du grand salon et de la salle à manger au rez-de-chaussée,
- le plafond à l' italienne de la chambre du premier étage (cad. B 942).
Éléments remarquables : salon, vestibule, salle à manger, élévation, tour, toiture, décor intérieur, entrée.
Vues du château au début du XXe siècle
Vues cadastrales
Le château et son parc, sur la Mappe sarde (1732)… | et sur le plan cadastral de 1882 (le Nant est endigué). |
Construction, reconstructions, aménagements
• Constructions, réparations
Vachez 2 dit que le château a été construit au XIIIe siècle*, alors même que le Château Verdon (dit Château Vieux) était encore en fonction. L'aspect des tours de l'entrée suggère en effet cette période (mais sans les ouvertures, forcément plus récentes, car elles n'auraient pas eu leur place dans une construction défensive).
•1428-29 ? ou 1439-1440 ? ou bien…? : Éboulement, inondation ; cette année-là, à Chamoux, il se dit** que le rez-de-chaussée du château et des bâtiments qui subistèrent fut enseveli sous des tonnes de terre. Quant aux maisons des villageois… qu'en est-il resté ?
La famille de Seyssel vivait probablement à la Rochette à ce moment. Qui a fait face à la catastrophe ?
Meurtrières, ou archères, de part et d'autre de l'entrée du château et dans un mur latéral
(voir la photo de l'entrée ci-dessus : on distingue bien 3 meurtrières autour de l'entrée).
Selon Viollet-le-Duc, ce type de meurtrière, au niveau du sol, et réduite à un "trou rond pour passer la
gueule du mousquet avec une mire au-dessus" apparaît au XVe siècle, avec les débuts de l'artillerie à feu" 3.
• Le 5 juin 1486 « Echange passé entre le seigneur de Louis, comte de La Chambre et Messire Georges Maréchal abbé de Saint-Rambert, prieur de Chamouz, du 5 juin 1486, de certains prés » ; analyse plus ancienne : « Excambia inter illustr. dom. comitem Camere et priore Chamosii ».
Cet échange est fait à la demande de Louis de La Chambre, seigneur de Chamoux, qui veut faire une «serve» pour tenir des poissons près de sa maison de Chamoux.
Ratification de cet accord par le prieur claustral et Pierre d’Ecrivieux et les moines, 1er septembre 1486.4
Nous trouvons ici Louis de la Chambre occupé à des tâches domestiques bien éloignées des forfaits dont certaines de ses biographies font état. Et… nous trouvons peut-être ici l'origine de l'étang du Parc du Château ?
On peut rapprocher cet aménagement de celui du vivier toujours bien visible sous le château de Charbonnières: l'établissement d'un vivier n'était pas chose anodine.
• 1515 : construction de la Collégiale Sainte-Anne et des bâtiments d'habitation des chanoines dans la cour du château, par Louis 1er de la Chambre (voir "Sanctuaires").
• Entre 1582 et 1595, Jean-Louis de Seyssel-La Chambre a porté devant la justice la question de réparations nécessaires (documents à explorer !)5
• Pont-levis : un ? ou deux ?
En 1617, Charles-Emmanuel, comte de La Chambre, en qualité de tuteur de son neveu, Charles-Emmanuel, marquis de La Chambre, accepte un prix-fait pour la réfection du grand portail et du premier pont-levis de Chamoux : il y avait donc encore un pont-levis (ou plutôt : des ponts-levis) au début du XVIIe siècle.
À noter : Jean-Louis de Seyssel s'inquiétait déjà de travaux à faire, en 1582 et 1595 ; Charles-Emmanuel ne succède à son frère Pierre que durant 6 ans (1614-1620) ; il a probablement dû faire réparer aussi divers dégats occasionnés par l'occupation du château par les gens de Lesdiguières (été 1597), puis par les troupes du Duc de Savoie (hiver 1597-98).
Avant que les troupes de Louis XIII n'apportent leur lot de tracas nouveaux.
A cette époque, les ponts-levis ne sont plus un obstacle important pour une armée : les châteaux et forts perchés de la région sont tombés à coups de canons, pas sous la force d'un bélier. D'ailleurs, l'art militaire en général est bouleversé par le développement de l'artillerie.
Quelle pouvait être la situation de ce pont-levis (peut-être : de ces ponts-levis : s'il y avait un premier pont, c'est que l'on en comptait d'autres) ?
Conjecture :
On sait que le Nant de Montendry avait été détourné vers Villard-Dizier, après la catastrophe de 1428; mais auparavant, il devait dévaler tout droit, comme les autres ruisseaux (et alors, le bief construit plus tard dans le parc aurait pu retrouver son chemin ?).
Pourquoi le château, au XIIIe siècle, n'aurait-il pas utilisé les eaux du Nant pour protéger ses abords, bien faciles sur ce terrain presque plat ? A-t-on connu des douves autour de l'enceinte, et/ou autour du château, franchissables par pont-levis?
(On se souvient que le niveau du sol autour du château a été bouleversé par la catastrophe de 1428.)
Bien sûr, ailleurs, le pont-levis pouvait aussi s'ouvrir en hauteur, comme on voit sur la tout haute à Cruet, ou à Montmayeur (mais celles-ci occupent une hauteur… où on devait bien se passer de fossés).
Au M.A. l'accès aux donjons ne se faisait normalement pas par le rez-de-chaussée, mais en hauteur : la porte était ainsi plus facile à défendre. Le 1er niveau abritait les prisons parfois, le plus souvent les réserves. Plus tard, ici, on a ouvert un accès au RdC.
Cruet. •>
l'ouverture basse semble moderne.
En hauteur, porte et fenêtres.
<• Montmayeur :
l'ouverture basse est moderne. La porte et une fenêtre unique se trouvaient au 1er étage.
Le Site présentait la structure classique : sur une éminence, dans une enceinte, un donjon et un logis seigneurial annexe, un village et une église, et une autre tour à l'opposé. (le site a été définitivement saccagé par les troupes dauphinoises en 1597)
L'entrée du château de Miolans (bâti en hauteur) se trouve côté montagne, sur un plan peu incliné : aujourd'hui enjambé par un pont, un fossé entrave l'accès à la porte d'entrée.
<• Miolans : cliquer sur l'image pour voir le pont, les deux portes, et les meurtrières de diverses époques.
• Un prix-fait : réparation des toitures au début du XVIIe siècle
1658 - Les Archives du Duché conservent un "devis" pour Emmanuel-Philibert de Carignan(1628 † 1709), le prince sourd : son agent prépare des réparations aux toits du château. Le montant des travaux demandés à Michel Masset de Montendry, s'élève à 575 florins. (voir Textes à l'appui ci-contre)
Il y a d'autres pièces à voir aux ADS concernant des réparations au château de Chamoux, du temps des Carignan.(1628-1767)6
• Une facture : Réparation des toitures au début du XVIIIe siècle
En 1717, le baron de Montfort fait réparer les toitures, des planchers, des portes… La note est élevée (plus de 6000 livres), et les parties tiennent à enregistrer la bonne fin de l'affaire devant le "Tabellion" (le notaire royal) d'Aiguebelle.
Nous avons ainsi le détail des travaux.
cliquer pour voir la facture détaillée !
• Effacement des signes de puissance féodale
Pendant l'occupation française sous la Révolution, les biens de Joseph d'Albert sont mis sous séquestre.
Il doit effacer les anciens signes de domination : par contrat du 28 ventôse an II (17 mars 1794), "le citoyen Joseph d'Albert donne aux citoyens Joseph Tranchant et Antoine Barbier, de Chamoux, le prix fait d'abattre, moyennant la somme de sept cents francs, les meurtrières et les girouettes du château, ainsi que les tourelles au-dessus de la grande porte d'entrée".7
• Aménagement des biefs
Entre 1732 (Mappe sarde) et 1882 (1er cadastre français), le Nant de Montendry subit des aménagements importants : après la catastrophe, son lit avait été détourné en direction de Villard-Dizier, pour rejoindre le cours du ruisseau suivant ; entre 1732 et 1882, il est endigué, enroché au niveau de la confluence, libérant des terres jusque là marécageuses et incertaines ; un bief est tracé à travers de parc du château (a-t-il retrouvé le cours ancien du Nant ?), pour alimenter une scierie et un moulin (dépendances du château) ; dans le parc "à l'anglaise", un grand étang assure une régulation du débit du bief.
Divers bâtiments de service sont modifiés ou construits.
Entre 1920 et 1930, le mur d'enceinte du parc perd au moins l'une de ses tourelles, vétuste (1925) ; l'électricité et l'eau courante arrivent - comme dans les autres maisons de Chamoux.
1012 - 2022 - A.Dh.
* Vachez écrit : "On a attribue [la] construction aux seigneurs d'Aiguebelette, auxquels il aurait appartenu dès le commencement du XIIIe siècle." Il faut très probablement lire : "seigneurs d'Aiguebelle" : il est certain que Chamoux a été donné en fief par les Comtes de Savoie, qui avaient un château à Charbonnières (au-dessus d'Aiguebelle). Mais ont-ils "construit Chamoux" ?
** 1428-29. Cette "informaton" qui se répète d'une publication à l'autre sans préciser ses sources appelle des réserves. Peut-on retenir cette date : 1428-29 ?
Dans "le Décanat de Val Penouse" (1931), Félix Bernard fait une hypothèse : la catastrophe aurait eu lieu dans l'hiver 1439-1440. Il raisonne par analogie en se fondant sur la catastrophe, datée de cette année-là, à St-Jean de Maurienne.. Mais il n'affirme rien.
Or, nos régions ont connu tant d'aboulements majeurs....
Félix Bernard signale d'ailleurs en note : "au dire de M. l'abbé Christin, qui a pu voir certains titres, mentionnés d'ailleurs par le chanoine Truchet et par J. Balmain (Franchises d'Aiton, p. 19), cela serait arrivé en 1428."
Conditionnels prudents. Et sages.
Sources bibliographiques et iconographiques
0- Félix Bernard, Paroisses du Décanat de La Rochette in Mémoires de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Savoie 1958 (cf Gallica.fr)
1- Etat Français - Base Mérimée - Immeubles protégés au titre des Monuments Historiques
(cf http://www.annuaire-mairie.fr/monument-historique-chamoux-sur-gelon.html)
2-A. ROUGET ; A. VACHEZ. Monuments historiques de France publiés par départements : SAVOIE. Lyon, [1895] : On a attribue [la] construction aux seigneurs d'Aiguebelette, auxquels il aurait appartenu dès le commencement du XIIIe siècle.
3- sur les meurtrières : voir Viollele-Duc sur http://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_raisonn%C3%A9_de_l%E2%80%99architecture_fran%C3%A7aise_du_XIe_au_XVIe_si%C3%A8cle_-_Tome_6,_Meurtri%C3%A8re
4- A.D. Ain http://www.archives-numerisees.ain.fr/archives/ : FRAD01_abbaye_de_saint_rambert) H 145bis - 1486 - Prieuré de Chamoux en Maurienne
5- A.D.Savoie - Trésor des Chartes des Ducs de Savoie Cote : FR.AD073.SA 1-25 SA 160 : détériorations subies par les châteaux de Chamoux (…)
6- ADS - M-Age et Ancien Régime / Fonds des administrations d'Ancien Régime jusqu'en 1793 / Administration générale du duché
- C 643 Réparations au château de Chamoux.(1628-1767)
7- Gallica: Travaux de la Société d'histoire et d'archéologie de la province de Maurienne : 1911 (SER2,T5)-1914. Pages 183, 184….
Pour les chercheurs : ressources à explorer
ADS - Trésor des Chartes des Ducs de Savoie (pièces restituées du fonds des Archives de Cour - Archivio di Stato di Torino) Cote : FR.AD073.SA 1-25 SA 160. Province de Maurienne : Les Hurtières (suite).
- Procédure intervenue entre Jean-Louis, marquis de La Chambre, et Marguerite de La Chambre et consorts à cause des détériorations subies par les châteaux de Chamoux et des Hurtiéres, s.d. (fin du … s.).
ADS - M-Age et Ancien Régime / Fonds des administrations d'Ancien Régime jusqu'en 1793 / Administration générale du duché
- C 643 Famille souveraine de Savoie. – François-Thomas de Savoie, prince de Carignan, et Louise Chrétienne de Savoie, sa fille. – Victoire-Françoise de Savoie-Carignan, et Louis-Victor-Amédée-Joseph de Savoie, prince de Carignan, son fils. – Marie-Thérèse-Louise de Savoie-Carignan, princesse de Lamballe. – Comptes rendus par le trésorier du prince Thomas, au président Garnerin, son surintendant des finances en Savoie, et au sieur Mulassan, son contrôleur des finances, en 1651 et 1652 ; avec mémoires et quittances à l'appui. – Réparations au château de Chamoux.(1628-1767)
ADS - Trésor des chartes des ducs de Savoie (pièces restituées du fonds des Archives de Cour Archivio di Stato di Torino) Cote : FR.AD073.SA 1-259
SA 42 Chamousset, Chamoux, Charmet.
- Reconnaissances passées pour des biens sis dans le mandement de Chamoux au profit de Jean-Louis, marquis de La Chambre, comte de l'Heuille, vicomte de Maurienne, baron de Cuines et des Villards (1585-1587).
- Prix-fait consenti par Charles-Emmanuel, comte de La Chambre, en qualité de tuteur de son neveu, Charles-Emmanuel, marquis de La Chambre, pour la réfection du grand portail et du premier pont-levis de Chamoux (1617).
- Quittance donnée à la suite de l'acquisition faite par le premier président de la Chambre des Comptes et ministre d'État, Pierre Mellarède, de la seigneurie de Chamoux avec les quatre paroisses en dépendant : Chamoux, Montendry, Montgilbert et Bettonet, (1716).