La mécanisation

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Le travail de la terre au début du XXe siècle

Au début du 20ème siècle, les paysans de Chamoux labouraient leurs terres avec une petite charrue à un seul versoir convexe, le tourne-oreille, en patois le "carabotu", qui poussait la terre plus qu'elle ne la retournait. Cette charrue était tirée par l'attelage de deux vaches avec, pour les plus riches, un cheval en flèche.
Récolte des pommes de terre - Fonds CCA / RMDLe "carabotu" avait le corps en bois, muni d'une petite roue et de deux mancherons pour le tenir en équilibre. La qualité du labour n'était pas très satisfaisante. On commençait à connaître les Brabants complètement métalliques qui faisaient de la meilleure besogne, mais hélas trop lourds pour nos deux vaches.
On essaya un compromis: le demi-brabant, charrue qui avait les mêmes versoirs que le Brabant Plissonnier, mais avec un corps et des mancherons en bois et une petite roue, ce qui diminuait son poids. Mon père, à la fois cultivateur et charron-forgeron, en fabriqua avec un certain succès. Il fit même les mancherons orientables, ce qui permit à la charrue de labourer jusqu'au pied des ceps de la treille qui limitait les champs.
Comme on trouvait de moins en moins d'ouvriers agricoles, les jeunes partant en ville, on pensa à remplacer la "sape" (houe) traditionnelle par la bineuse. Il en existait quelques modèles à cinq griffes, mais peu satisfaisants parce qu'ils laissaient derrière eux une rangée d'herbe non arrachée.
Mon père fabriqua un modèle à sept griffes dont les deux à l'arrière tenaient toute la largeur du sol que la bineuse laissait net. Son butteur avait de larges versoirs qui renversaient la terre contre les plantes. Autre accessoire de la bineuse: l'arrache-pommes de terre qui, avec ses longues branches, secouait et ramenait les pommes de terre à la surface du sol. Les bineuses Delaconnay eurent un grand succès dans tout le canton et aussi en Maurienne et jusqu'à Marthod dans la région d'Albertville. Elles obtinrent une médaille et un diplôme d'honneur à un comice agricole de Chamoux.
Alors, pour mon père, le travail du fer l'emporta nettement sur celui du bois; mais comment utiliser ces machines pour ceux qui n'avaient pas de cheval? On fit un joug individuel pour la vache la plus forte et la plus docile des deux qui servaient de bêtes de trait et c'était vite fait de biner et butter un champ ou d'arracher des pommes de terre.

La guerre de 1914-18 amena une coupure : de nombreux jeunes avaient été tués (10, pour Villard Dizier), l’émigration vers les villes devenait plus importante, des familles entières disparurent des villages, laissant leurs terres à ceux qui restaient ; mais les fossés étaient moins entretenus, les terres humides produisaient moins.
Vint aussi l'époque où, les paysans vieillissant, la faux pour le foin fut remplacée par la faucheuse à traction animale. Chacun voulut avoir son cheval ou son mulet et, pour les nourrir, on ensemença les terres humides en foin de marais. Ce commencement de mécanisation diminuait la peine des hommes.
Le progrès était apprécié, quoique bien timide, comparé à aujourd'hui. On était heureux de cette amélioration lente mais régulière.

Autrefois...Chamoux : Léonie Francaz

Farmall Cub 1955 (source Wikipedia)Vers les années 1950, nous avons vu arriver les tracteurs Farmall Cub Lo-Boy1: des bijoux, ces petits tracteurs, dans nos terres morcelées - car le remembrement n'avait pas encore eu lieu.
Après il y a eu les Ferguson tractors, déjà plus gros, car les propriétés s'agrandissaient.

En 1950-55, il y avait donc 50 agriculteurs. En 2016, il en reste deux vraiment à Chamoux : les autres, s'ils travaillent les terres de la commune, ont leur siège social ailleurs. Il faut y ajouter quelques  cultivateurs "double-actifs".
Le remembrement, souvent critiqué, fut une bonne chose : actuellement, les "monstres" de machines agricoles ont succédé aux petits tracteurs bijoux!

Noël Guidet
A.Dh.


Notes.
1- sur ces "petits tracteurs rouges", voir par exemple le site Les tracteurs Farmall Cub