Chapelle Notre-Dame des Grâces de Chamoux •>
Au pied de la montagne, entre le 1er Berre et le village, une petite chapelle surplombe la route et les champs; on la nomme Chapelle N.D. de Grâces.
Quelques dates
- elle existerait déjà en 1571, sous le nom de N.D. de Pitié.
- aux 17 et 18e siècles, la famille Deglapigny s'en dit patronne.
- décoration baroque au tournant des 17-18e siècles
- pourtant, la Mappe de 1732 la dit "propriété des communiers"
- quoi qu'il en soit, elle est vendue à la Révolution... et rachetée par la famille Deglapigny.
- décoration extérieure probablement par les Avondo en 1847
- reprise de cette décoration après 1960 : la scène de l'Annonciation fait place à 2 Saints.
- réfection de la toiture en 1989.
- restauration des médaillons en 2005 : les saints Sébastien et Agathe ont souffert.
* * *
2 noms pour une chapelle
En fait, cette chapelle a d'abord été dédiée à Notre-Dame de Pitié :
Dans les notes pour la visite pastorale 1 de 1609, Félix Bernard lit que "la Chapelle de N.-D. de Pitié, (…) a un autel consacré. Le recteur est Jacques fils du même égr. Masset, étudiant au Collège de Chambéry, qui n'est pas encore cependant institué. »
En 1689 avec un autre évêque 1 : "Notre-Dame de Pitié, sise sur le grand chemin en allant à Aiguebelle,(…) a de revenu douze florins annuels payables à chaque St André, et sous la charge de douze messes à forme de testament de Mr François Deglapigny ; Rd curé Jacques Deglapigny, sacristain, en est le recteur ; laquelle chapelle est en bon état."
On lit dans un legs du 20-6-1694 pour y dire des messes : "Notre-Dame des Grâces érigée à Chapelle Badin".
Le 28 février 1718, le Révérend Deglapigny ("le jeune") déjà cité, fils d'une famille locale de notables, a "albergé" la chapelle :
"le sieur Révérend Jacques Deglapigny prêtre et prieur du prieuré de Saint Martin de Chamoux, en qualité de recteur de la Chapelle Baddin fondée sous le vocable de N.D. des Grâces, entre Berres et Chamoux, de laquelle il est patron comme l’aîné de sa famille, et en cette qualité, pour lui et les siens, alberge purement et simplement à Honorable Martin, fils à feu Claude Turrier de Chamoux" 2
Curieux… On change de nom ? Et puis, sur le Tabelle-minute de 1729, il est dit que la Chapelle Budin (parcelle 1133 1/4, 73 m2), est propriété "de la Communauté pour l'usage commun"3.
Sur le cadastre
Cette chapelle, située à mi-chemin entre le village de Chamoux et le Premier Berre, n’est pas dessinée sur la mappe de 1728-1732. (Elle figure sur le cadastre de 1882).
À défaut du dessin sur la Mappe, on a le registre qui l'accompagnait! Le cadastre textuel (ou "tabelle-minute") permet de relever au même endroit, en 1728-29, un lieu-dit La Chapelle Budin, non loin d'un lieu-dit L'abbaye.
Elle est citée sous le vocable "Notre-Dame des Grâces" dans les dossiers de l'Administration générale du Duché de Savoie avant 1792,4 juste après Chateauvieux (dans un registre de 1729). Puis en 1776, à l'occasion d'un procès.
C'est le nom que nous lui connaissons encore.
Mais les 2 vocables "Notre-Dame de Pitié" et "Notre-Dame des Grâces" sont cités dans la "mise en possession" de la chapelle à un clerc tonsuré de Chambéry en 1791. (voir Textes à l'appui 1791)
Remarque : ce vocable "Notre-Dame des Grâces" n’est pas rare dans les environs, d’Aiguebelle à Champlaurent…
Fondation de la chapelle
Mais, N.D. de Pitié ou N.D. des Grâces, de quand date donc cette chapelle ?
Nous avons dit qu'elle est évoquée dans la visite pastorale 1 de 1609, selon Félix Bernard qui l'a déchiffrée en partie.
C'est encore Félix Bernard qui écrit : "Cette ancienne chapelle était annexée au maître-autel, en 1571 " : nous remontons dans le temps; mais quelles étaient ses sources ? Nous n'avons pas réussi à trouver trace de cette information dans la Visite pastorale (très mutilée) de 1571 qu'il dit citer: un feuillet aurait-il disparu?
La chapelle, probablement construite au XVIe siècle, a été redécorée à l'intérieur à l'époque de la Contre-Réforme.
Par le maçon omniprésent, Jacques Chiesaz? Il faudrait en trouver la trace dans les actes du temps… Le stuc est partout, il modèle les corniches, et le retable avec ses colonnes et ses "pots à feu"
<• Au centre du retable baroque en stuc, une belle Madone moderne a remplacé la Vierge (18e ?) volée dans les années 70. Sculpture bois : Marie-Pierre Bufflier
Patrons et recteurs
Durant de nombreuses années des XVII et XVIIIe siècles, nous l'avons vu, la famille Deglapigny revendique le "patronnage" de la chapelle; ce sont par ailleurs les prêtres Deglapigny qui assurent son service, et gèrent les revenus. Alors que le Tabelle-minute de 1729 note qu'elle est propriété "de la Communauté pour l'usage commun".
Pour compliquer encore les choses, Rd Savey écrit en 1741 dans sa "Briève notice du Diocèse de Maurienne" que la chapelle de Notre-Dame de Pitié a pour patrons les frères Dégalis, tout comme la chapelle de Villardisier. Ah? à prendre avec prudence: on relève des erreurs dans la liste chamoyarde.
En 1796, la chapelle n'apparaît pas dans la liste des nombreux "Biens nationaux ecclésiastiques" de la vallée vendus à des particuliers (AD073 Q82)
Pourtant, en 1878, à l'occasion de sa visite pastorale, l'évêque note : "la Chapelle (…) de Notre Dame des Grâces, vendue à la Révolution, a été restituée au culte par la famille Deglapigny ; clôture et marche-pied de l’autel à refaire ; elle possède un ornement blanc et un petit calice de style gothique ex æquo avec la Chapelle. Aucun revenu fixe pour [sa] maintenance, ni ressources casuelles, sauf quelques modestes offrandes déposées dans le tronc destiné à les recevoir"
Rénovations
La chapelle a fait l'objet de travaux de rénovation à la fin du XXe siècle. Classée "en catégorie 3" par le Conseil Général en novembre 1982, elle a pu faire l'objet d'aides départementales : il fallait sécuriser la voûte, reprendre les peintures…
Rénovation des décorations extérieures après 1960.
Les travaux de charpente étaient achevés en 1989.
Voici 2 états de l'entrée de la chapelle.
En 1961(photo ci-contre à gauche), les médaillons sont consacrés à la scène de l'Annonciation: l'ange à gauche, Marie à droite.
(cliquer sur les photos pour agrandir).
Or… cette scène évoque fortement l'un des panneaux de la "paroi" intérieure de l'église N.D. des Grâces de Varallo (Valsesia), cette époustouflante paroi peinte au XVe siècle par Gaudenzio Ferrari, dont les frères Avondo se sont inspirés pour peindre les fresques du chœur de l'église St-Martin de Chamoux.
(médaillon de Varallo : photo ci-contre à droite)
Oh mais... on croit connaître la date de réalisation de ces fresques à Chamoux: 1847. Car on sait que les 2 frères Avondo, venus décorer l'église, ont aussi orné le fronton de la chapelle de Montranger (daté 1847 et signé).
Au 1er Berre, les médaillons de N.D. des Grâces auraient donc été décorés par les Avondo?
Dans les années 1970, 2 statuettes de bois anciennes ornaient la chapelle.
La Madone de l'autel ayant été volée, la seconde, une petite Pietà, fut mise en lieu plus sûr. Et une jolie Vierge contemporaine pleine de vivacité, occupe aujourd'hui la niche centrale. Elle est due à Marie-Pierre Bufflier.
En novembre 1982, la chapelle est "classée en catégorie 3" par le Conseil général de Savoie.
Cette photo (ci-contre) réalisée avant les travaux de réfection de la voûte (entre 1982 et 1989) montre que le travail des frères Avondo avait déjà disparu au profit d'un St-Sébastien, et d'une Ste-Agathe. Travail trop fragile: une plaque d'enduit était tombée, laissant voir le piquage antérieur du mur (en général, ces piquages précédaient la pose d'un enduit - support d'une peinture "a fresco", comme ici peut-être).
En 2005, la commune a fait réhabiliter les motifs (St Sébastien et Ste Agathe) et consolider les stucs en façade.
Recherches 2012-2013-2014-2017-2018 A.Dh.
notes
* Albergement : à l'origine, c'est un contrat féodal par lequel un paysan recevait d'un seigneur une terre pour une longue période moyennant une redevance annuelle. Dans le contrat Deglapigny / Turrier, la chapelle n'était pas seule concernée : des terres, et une "masure" lui étaient liées, et rapportaient un revenu annuel au Rd Deglapigny.
Ressources bibliographiques et iconographiques
1- Visites pastorales : Évêché de Maurienne, Bibliothèque diocésaine
2- A.D.Savoie, Tabellion d'Aiguebelle, fév. 1718
3- Plans cadastraux en 1732, Tabelle-minute de 1729 : Archives départementales de Savoie
4- A.D.Savoie pages 95-96 Administration générale du Duché de Savoie. - Cadastre, 1728-1738 – Série C - C 2494
photos 2013 et Varallo A.et JF. Dh./CCA
Photo 1961 Archives Ch. Bertoncini
Photo années 1980 Archives Al. Dalla-Mutta
Pour les chercheurs : ressources à explorer
• Cadastre général de : Chamoux-sur-Gelon. - Tabelle-minute (Cadastre primitif) de la commune de Chamoux, contenant les noms de tous les propriétaires ; par ordre alphabétique et indiquant, pour chacune des parcelles qui leur appartiennent, le numéro cadastral, le lieu-dit, la nature de culture et la contenance en mesures de Savoie et de Piémont. - Biens de noble Blanc, gouverneur de Miolans ; de noble Bazin ; des chapelles de Montranger, de Villardizier, de Saint-Gras, de Saint-Blaise, de Saint-Sébastien, de Saint-Jean, de Sainte-Catherine, du baron de Châteauneuf ; de la chartreuse de Saint-Hugon ; de la cure du Bettonnet ; de la cure de Chamoux ; de la cure de Villard- d'Héry ; des nobles Pierre et Charles du Villard ; des nobles Antoine et Louis-Hercule Degalis ; des nobles de Livron, Vincent de Lalée, Pierre de Mellarède ; du baron de Montfort ; de l’évêque de Maurienne ; du prieuré de Saint-Rambert ; du prieuré de Saint-Robert ; du marquis de Saint-Michel ; biens indivis entre les communes de Chamoux pour 2/3 et Bourgneuf pour 1/3 ; biens communaux du village de Montranger ; de la commune de Chamoux ; châteauvieux au-dessus de Chamoux ; chapelle de Notre-dame de Grâce. etc. Surface cadastrée de la commune : 3662 J. 112 T. 0P. en mesures de Savoie.
Dates extêmes : 1729 - ...
Cote : C 2494 Cote à consulter: 4Num 250 Producteur :Bureau de la Péréquation générale et du cadastre Lieu : Chamoux-sur-Gelon Comm.
• article L'excursion de Chamoux (24 juillet 1907) par Adolphe GROS.
in Travaux de la Société d'histoire et d'archéologie de la Maurienne, (1904, 1908)
1908, S. II, T. IV, 2e Liv., p. 54-65. - Cote (issue de la migration Alexandrie) : PER762-13