Faits et méfaits

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Procès. Ce n'est pas d'aujourd'hui…

La consultation des "Procédures civiles et criminelles du Sénat, 1559-1792 " aux Archives Départementales est-elle rassurante ou désolante ? Beaucoup d'affaires nous paraîtront bien banales, et ne vaudraient pas vraiment la peine de s'y arrêter. Ainsi de ces deux exemples :

Résumé de l’affaire :
1842 - Un ou des inconnus commettent des dégradations dans le bourg de Chamoux : des arbres appartenant au syndic Jean-André Deglapigny sont coupés, la fontaine de la piscerette est gravement endommagée.
Archives et inventaires » 1815-1860 - Judicatures mages : affaires non résolues et non lieux  7FS7 10354
Lieu du Délit : Chamoux. Délit : Dégradations.

Résumé de l’affaire :
1858 - Incendie de 16 bâtiments dans le haut du chef-lieu - Aucun blessé mais dégâts considérables.
Archives et inventaires » 1815-1860 - Judicatures mages : affaires non résolues et non lieux  7FS7 617
Lieu du Délit : Chamoux. Délit : Incendie.

Mais bien d'autres affaires nous apprennent au détour comment on vivait entre 1559 et 1792 - c'est-à-dire, dans une période où une occupation militaire en suivait souvent une autre de près. Mais il fallait bien vivre…
remarque : les noms propres sont cités en clair dans les Archives : nous nous contenterons d'une initiale, sauf cas particuliers.
 

On ne rit pas !

1783 - Judicature mage de Savoie. Lieu du délit : Châteauneuf. Type de délit : coups et blessures avec fusil.
Résumé de l'affaire : Repas "de suite de noces" dans une maison de Châteauneuf. Selon la coutume, le jeune marié en sort pour tirer des coups de feu à blanc et blesse grièvement un de ses invités en train de satisfaire un besoin naturel.

victime : Claude A., fils de feu Antoine, originaire de Chamoux, habitant de Chamoux.
accusé, contumace :
Antoine P. C., fils de François, habitant de Châteauneuf.
Jugement en première instance : galères 2 ans. Arrêt du Sénat : galères 2 ans

Une noce gâchée ! On voit que le marié maladroit ne s'était pas présenté à son procès. 2 ans de galère…

1762 - Judicature mage de Maurienne. Lieu du délit : Chamoux. Type de délit : infraction aux constitutions du diocèse.
Résumé de l'affaire : Procédure lacunaire concernant un prêtre de Chamoux…

…"qui tient chez lui le jour, et même la nuit, une fille qui n'est ni de l'âge, ni de la réputation ou du degré de parenté que les constitutions du diocèse exigent en semblable cas"
accusé : Révérend Pierre Louis H., prêtre, doyen de Chamoux, habitant de Chamoux.

Hum… l'affaire vint tout de même devant le juge mage…
 

Les enfants et très jeunes gens

1751 - Judicature mage de Genevois. Lieu du délit : Annecy. Type de délit : vol domestique.
Un domestique de Mme de Compey part avec des pièces d'argenterie de la famille et les revend à des cabaretiers - sentence non connue.

victime : Noble Marie Françoise de Compey, fille de feu Noble François Marie, épouse de feu noble Ignace de Morgenex, originaire de Annecy.
accusé, détenu :François
G. , fils de Jean, domestique, ex-tambour au régiment de Savoie, 15 ans, originaire de Chamoux.
accusé, détenu :
Philibert M., Cabaretier à St Vital, 27 ans, originaire de Thonon, habitant de Saint-Vital ; remarque : signe.
accusé, détenu :
Pierre D., fils de feu Jean, cabaretier à Faverges, 38 ans, originaire de Termignon, habitant de Faverges.

À 15 ans, cet enfant chamoyard a déjà un passé "militaire", puis, il a travaillé à Annecy. Des trois accusés, un seul apparemment, sait signer (ce qui ne suffit pas à prouver qu'il maîtrise la lecture et l'écriture)

1784 - Judicature mage de Savoie. Lieu du délit : Chamoux. Type de délit : vol domestique.
Un jeune domestique vole de l'argent et des toiles à son maître.

victime : Pierre B., fils de feu Martin, époux de Marguerite M., originaire de Chamoux, habitant de Chamoux.
accusé, détenu :
Claude M., fils de Jean, domestique, 19 ans, originaire de la Chavanne, habitant de Chamoux. Arrêt du Sénat : galères à vie.

Cette fois, on connaît la sentence, et elle est très dure. Il faut cependant relever un "principe de pupillarité", qui adoucissait la peine des plus jeunes : dans une famille peu fréquentable de Montendry, où le père est condamné à 5 ans de galère, le fils de 14 ans n'est frappé "que" de 3 ans de prison en raison de son âge.

Une rubrique très pénible est suggérée avec l'affaire d'un bébé mort-né : la maman n'a semble-t-il été punie que pour avoir caché le malheur :

1776 - Judicature mage de Savoie. Lieu du délit : Chamoux-sur-Gelon. Type de délit : infanticide.
Une jeune veuve accouche secrètement d'un enfant mort-né et l'enterre derrière la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce de Chamoux, sans prévenir personne.

accusé, détenu : Françoise V., fille de feu Michel, de Chamoux, 24 ans, épouse de feu Claude François C., habitante du Châtelard-en-Bauges. Jugement en première instance : prison 2 mois. Arrêt du Sénat : prison 2 mois.

On pouvait pourtant comprendre les dissimulations de l'accusée : une jeune femme d'Aiguebelle, ayant peut-être tué son nouveau-né, prétendant en tous cas qu'il était mort-né, fut étranglée.

La vie paysanne

1574 - Judicature mage de Savoie. Lieu du délit : non identifié. Type de délit : recouvrement de créances.
Litige sur la propriété d'une maison et d'une vache

demandeur : Amédé P., notaire, marchand et bourgeois, fermier de Montmélian, originaire de Chambéry, habitant de Montmélian.
défendeur : honorable
Estienne G., habitant de Coise.
défendeur : noble
Claude A., chanoine de Chamoux, habitant de Châteauneuf.

Dans cette affaire, c'est le statut du 2ème défendeur qui nous intéresse : il est chanoine au Prieuré de Chamoux, noble, il habite Châteauneuf, il a des revenus agricoles… et peut-être un peu de mauvaise foi.

Parfois, les besoins privés empiètent sur le domaine public…

1769 - Judicature mage de Savoie. Lieu du délit : Villard-Léger. Type de délit : occupation du domaine public.
Deux frères font construire "un petit membre à tenir des cochons" qui empiète sur le chemin public qui va de Chamoux à la Rochette

demandeur : Joseph A., fils de feu Claude, syndic, originaire de Villard-Léger, habitant de Villard-Léger ; remarque : Agit pour le compte de la communauté - Plan des lieux et du bâtiment litigieux.
demandeur :
François A., fils de feu Jérome, conseiller, originaire de Villard-Léger, habitant de Villard-Léger ; remarque : Agit pour la Communauté.
demandeur :
Jean A., fils de feu Georges, conseiller, originaire de Villard-Léger ; remarque : Agit pour la Communauté.
demandeur :
Joseph G., fils de Jean Urbain, profession : laboureur, originaire de Villard-Léger ; remarque : voisin gêné par la nouvelle construction.
défendeur :
François C., fils de feu Claude le jeune, originaire de Villard-Léger.
défendeur:
Jacques C., fils de feu Claude le jeune, originaire de Villard-Léger.

Ici, on aperçoit le rôle de la communauté villageoise dans la régulation de la vie quotidienne.

1784 - Judicature mage de Savoie. Lieu du délit : Chamoux-sur-Gelon. Type de délit : coups et blessures.
Un paysan est furieux après son voisin : un des veaux de ce dernier aurait pâturé sur son champ de chanvre. Menace avec fusil, jets de pierre puis agression avec une serpe.

victime : Joseph B., fils de feu Pierre, laboureur, habitant de Chamoux.
accusé, contumace :
André P., laboureur, habitant de Chamoux. Arrêt du Sénat : galères 5 ans.

Encore une contumace…
 

Effets collatéraux des guerres ?

1755 - Judicature mage de Maurienne. Lieu du délit : Aiguebelle. Type de délit : malversations, concusions.
Le duché de Savoie est occupé par les troupes espagnoles. Le conseil de ville d'Aiguebelle est chargé d'organiser et d'effectuer dans les paroisses d'alentour la collecte en bétail, bois et chandelles pour les fournir aux deux bataillons de garnison à Aiguebelle. Élus et commis multiplient les réquisitions abusives pour en détourner une partie à leur profit.  Procédure partielle. Très instructive sur les réquisitions en vivres pour l'armée.

accusé, détenu : Pierre Louis C., fils de feu Gaspard, profession : syndic d'Aiguebelle, secrétaire insinuateur, 47 ans, originaire de Aiguebelelle, habitant d'Aiguebelle.
accusé, détenu :
Joseph D., fils de feu Pierre, conseiller de la ville d'Aiguebelle, commis à l'entrepôt des sels, 68 ans, originaire de Conflans, habitant Aiguebelle ; chargé par le conseil d'Aiguebelle de recevoir le bétail des paroisses.
accusé, détenu :
Jean Baptiste H., fils de feu Jean Baptiste, 2ème syndic d'Aiguebelle, cabaretier, 30 ans, originaire de Termignon, habitant d'Aiguebelle ; remarque : commis à la recette et distribution des chandelles.
accusé, détenu :
Claude B., fils de feu Antoine, originaire de Chamoux, habitant d'Aiguebelle ; commis par le conseil d'Aiguebelle pour seconder Deschamps.
accusé, détenu :
Claude G., fils de feu Jacques, originaire d'Aiguebelelle, habitant d'Aiguebelle ;  boucher de la troupe en quartiers à Aiguebelle.
accusé, détenu :
Louis C., fils de feu Louis, profession : aucune profession, 48 ans, originaire de Fontcouverte, habitant d'Aiguebelle ; remarque : commis pour la recette et distribution des fourrages - gendre de Joseph Deschamps.
accusé, détenu :
Claude Ferdinand B., fils de feu Jean, menuisier, 44 ans, originaire de Saint-Jean-de-Maurienne, habitant d'Aiguebelle ; remarque : commis pour la recette et distribution des bois.
victime :
Antoine P., fils de feu Pierre, syndic de Champlaurent, 55 ans, originaire de Champlaurent, y habitant.
victime :
Gaspard D., fils de feu J.Baptiste,  syndic de La Table en Huile, 50 ans, originaire de la Table , habitant la Table.
victime :
Vincent D., fils de feu Joseph, Conseiller du Bourget-en-Huile, 36 ans, originaire du Bourget-en-Huile, y habitant.
victime :
Joseph M., fils de feu Antoine, conseiller du Pontet, 40 ans, originaire du Pontet, habitant le Pontet.
victime : C. Pierre, fils de feu Pierre,  syndic de Chamousset, 40 ans, originaire de Chamousset,
habitant de Chamousset.
victime : I. François, fils de feu Guillaume, conseiller de Villard-Léger, 52 ans, originaire de Villard-Léger, y
habitant.

Dans cette affaire, les syndic des villages réquisitionnés ne se laissent pas faire… Encore un exemple du rôle des syndics.

1736  - Judicature mage de Maurienne. Lieu du délit : St-Jean-de-Maurienne. délit : fabrication et diffusion de fausse monnaie.
Fabrication et mise en circulation de monnaie d'argent recouverte d'or

accusé,contumace : Jean François A., profession : commis des royales gabelles en Maurienne, originaire de Saint-Jean-de-Maurienne. Arrêt du Sénat : galères à vie.
accusé, contumace :
Michel François A., originaire de Saint-Jean-de-Maurienne. Arrêt du Sénat : galères à vie.
accusé, contumace :
Jean B., profession : regrattier* de St Jean d'Arves, originaire de St-Jean-d'Arves. Arrêt du Sénat : galères 10 ans.
accusé, contumace :
André G., originaire de Chamoux, habitant d'Argentine. Arrêt du Sénat : galères à vie.
accusé, détenu :
Amédée R., 25 ans, originaire de la Rochette, habitant d'Argentine. Arrêt du Sénat : relaxé.
accusé, détenu  :
Joseph M., profession : facteur de boutique, 33 ans, originaire de Chambéry, habitant de Conflans. Arrêt du Sénat : relaxé.

Cette fois, on connaît les sentences du Sénat : pas de pitié pour les faux-monnayeurs…

Les nobles

Cette catégorisation des affaires est discutable : ainsi, bien des nobles vont comparaître pour des affaires paysannes. Mais leur pouvoir rend souvent l'affaire particulière. Ainsi de MM. de Livron.

1756 - Judicature mage de Savoie. Lieu du délit : Chambéry. Type de délit : recouvrement de créances.
Deux créanciers de la famille de Livron font saisir des revenus de cette famille. (Nombreux papiers de la famille de Livron du XVIIe siècle)

demandeur : sieur Gaspard D., habitant de Chambéry.
demandeur :
Jean François P., habitant de Chambéry.
défendeur : noble
Jean François de Livron, habitant de Chamoux.

M. de Livron payait-il donc mal ses dettes ? Mais voilà que son fils à son tour apparaît dans les registres,  comme victime :

1782 - Judicature mage de Savoie. Lieu du délit : Chamoux. Type de délit : injures, menaces.
Noble de Livron aurait été injurié et menacé par sa voisine. A l'origine de l'affaire, un troupeau de moutons qui s'était aventuré sur les terres de Noble de Livron.

accusé, ajourné : Antoine M.S., fils de Jean, originaire de Chamoux, habitant de Chamoux.
accusé, ajourné  : Jean M.S., fils de feu Claude, négociant et laboureur, 40 ans, originaire de Chamoux, habitant de Chamoux. Jugement en première instance : prison 2 jours.
accusé, ajourné :
Henriette F., 38 ans, épouse de Jean M.S., originaire de Chamoux, habitante de Chamoux. Jugement en première instance : prison 5 jours + excuses publiques.
Victime : Louis de
Livron, fils de feu Noble Jean François, profession : Capitaine régiment de Maurienne.

On ne comprend pas bien : les propriétaires des moutons envahissants auraient en plus injurié la victime, M. de Livron? Mais ce n'est pas fini !

1782 - Judicature mage de Savoie. Lieu du délit : Chamoux-sur-Gelon. Type de délit : excès, injures.
Un jeune berger laisse paître ses brebis sur un champ de blé appartenant à Louis de Livron. Ce dernier le chasse avec quelques coups de bâton. Surgissent alors les parents furieux qui menacent Louis de Livron et l'injurient.

Victime : noble Louis de Livron, fils de feu Jean François, capitaine dans le régiment de Maurienne, habitant de Chamoux.
accusé : M.S. Antoine, fils de Jean.
accusé, ajourné :
Jean M.S., fils de feu Claude, laboureur, 45 ans, époux de Henriette F., originaire de Chamoux, habitant(e) de Chamoux-sur-Gelon. Jugement en première instance : prison 3 jours + pardon.
accusé, ajourné :
Henriette F., fille de feu Joseph, 38 ans, originaire de Chamoux-sur-Gelon, habitante de Chamoux. Jugement en première instance : prison 3 jours + pardon.

Les relations étaient donc bien mauvaises entre ces deux familles. De nouveau, Louis de Livron est présenté comme la victime… mais la peine de ses agresseurs reste limitée. Que faut-il en penser ?

1740 - Judicature mage de Savoie. Lieu du délit : Chamoux-sur-Gelon. Type de délit : procés en héritage.
Conflit entre deux frères sur la liquidation de l'héritage de leurs parents. Enfants de noble Claude Degalis et de Françoise Deglapigny, mariés en décembre 1670. Epouse décédée en 1705 et époux en 1706.

demandeur :Jean François Degalis, fils de feu Noble Claude, originaire de Chamoux, habitant de Châteauneuf - La Frédière.
défendeur : noble spectable
Louis Hercule Degalis, profession : avocat, originaire de Chamoux, habitant de Chambéry.

Les procès autour des héritages sont légion dans les familles aisées, sans que les relations soient longuement dégradées : on préférait apparemment laisser la justice trancher ? On trouve ici alliés un sieur Degalis (noble) et une dame Deglapigny non noble : cette famille faisait partie des notables.

1768 - Judicature mage de Savoie. Lieu du délit : Champ-Laurent. Type de délit : non paiement de servis.
A Champ-Laurent, les favetiers de Joseph d'Albert, seigneur de Chamoux, ne lui ont pas payé depuis trois ans les servis, payables en avoine, pour l'albergement d'une forêt. Contrat d'albergement de novembre 1691 entre Noble Philibert Chapel de Rochefort et les communiers de Champ-Laurent - liste des communiers en 1691.

demandeur : Joseph d'Albert, fils de feu Noble Antoine, seigneur de Chamoux, habitant de Chamoux.
défendeur :
François C., fils de Jean Baptiste, communier, originaire de Chamoux, habitant de Chamoux.
défendeur : Sieur
Antoine B., communier, originaire de Chamoux, habitant de Chamoux.
défendeur :
François G., communier, originaire de Chamoux, habitant de Chamoux.
défendeur :
Jean D., fils de feu Bartélémy, communier, originaire de Chamoux, habitant de Chamoux.
défendeur :
François Joseph C., communier, originaire de Chamoux, habitant de Chamoux.
défendeur :
Gordon Hugues A., communier, originaire de Chamoux, habitant de Chamoux.

Ah ! le difficile métier que celui de gentilhomme campagnard… Mais en effet, le principe des servis et autres redevances seigneuriales tombait en désuétude.

1787- Judicature mage de Savoie. Lieu du délit : Châteauneuf. Type de délit : diffamation.
Le marquis de Châteauneuf révoque son châtelain, en nomme un autre avant de faire afficher sur le pilori du village un "avis au peuple" expliquant "qu'il a jugé de faire choix d'un châtelain soigneux, diligent et surtout impartial..."

victime : Gabriel Mollot, fils de feu Joseph, profession : vice châtelain de Chamousset, Bourgneuf et Coise, originaire de Chamoux, habitant(e) de Châteauneuf - Maltaverne.
accusé, ajourné : Noble
Jean Antoine Castagnery de Châteauneuf, fils de feu Pierre Antoine. Arrêt du Sénat : amende 10 écus.
accusé, ajourné :
Jean Claude P., profession : châtelain de Châteauneuf, habitant de Betton-Bettonet. Arrêt du Sénat : suspendu de son office pendant 6 mois.

Des seigneurs tels que les Castagnery possédaient souvent plusieurs châteaux : dans ceux qu'ils ne pouvaient pas gérer régulièrement, ils installaient un châtelain (souvent, noble). Ici, la victime a eu gain de cause. Nous maintenons son nom, puisqu'il fut lavé, et que sa famille était (honorablement) connue à Chamoux. Et le marquis, malgré son assurance, fut puni par le Sénat.

Ce ne fut pas le cas de M. de Roberty !

1753 - Judicature mage de Savoie. Lieu du délit : Montmélian. Type de délit : coups et blessures.
Noble de Roberty reproche à un de ses favetiers d'avoir remis son chapeau devant lui et le menace. Un conseiller de ville de Montmélian s'interpose et il est également battu par Noble de Roberty.

accusé : Noble Claude de Roberty, fils de feu Adrian, Seigneur de Ste-Hélène-du-Lac, habitant de Ste-Hélène-du-Lac.
victime : Sieur
Hyacinthe M., conseiller et bourgeois, originaire de Montmélian, habitant de Montmélian.
Abandon des poursuites contre l'accusé sur ordre du bureau du Sénat.

Que vient faire cet incident dans une notice sur Chamoux ? D'abord, elle éclaire les relations parfois difficiles (ne généralisons pas) entre les diverses classes sociales dans la Combe dans les années 1750… Et puis… une demoiselle de Roberty, sa petite-fille, allait bientôt entrer en possession du château de Chamoux, puis le transmettre à son nouveau mari, le comte de Gerbaix de Sonnaz.

Notons que seules les affaires passées par le Sénat apparaissent dans ces Archives : il faudrait voir ce que donnait la justice seigneuriale.


Les prêtres

1765 - Judicature mage de Savoie. Lieu du délit : Châteauneuf. Type de délit : Conflit sur la portion congrue.
La communauté de Chamoux demande aux bénéficiaires de la dîme versée par les habitants d'entretenir un vicaire dans la paroisse (de financer la portion congrue en la prélevant sur le montant des dîmes). Procédure incomplète (au long cours...).

demandeur : COMMUNAUTE DE CHÂTEAU NEUF
demandeur : Révérend
Pierre Louis Hodet, profession : doyen du chapitre de Chamoux.
défendeur : Révérend Jean Baptiste
Duret, profession : chanoine de la cathédrale d'Annecy.
défendeur : Révérend Antoine
Garin, profession : curé de Châteauneuf.
défendeur : Révérend Joseph
Bouvery, profession : chanoine de Chamoux.

Les paroissiens versent ±1/10e de leur production (la dîme) à l'Église, l'essentiel en revient au curé principal, qui en reverse une petite partie (la portion congrue) au curé résident : source de nombreux conflits, la communauté des paroissiens prenant souvent le parti de son curé local.

Mais on avait déjà vu des démêlés entre paroissiens et gens d'Église au sujet de la dîme :

19 juillet 1699 - Évocation du Juge de Chamoux et de l'Officiel de Maurienne.
Voies de fait à propos des dîmes du Prieuré de Chamoux.

Noble Louis Franc, de St-Pierre de Soucy
Révérend Jacques de Glapigny, sacristain de Chamoux, Paul V., Bérard F. et Pierre T. dudit lieu,

 

Comment vivaient les curés des paroisses ?

1786 - Judicature mage de Savoie. Lieu du délit : Chamoux-sur-Gelon. Type de délit : coups et blessures, violences.
Au service du curé de Chamoux depuis 8 ans, l'accusé se met un soir à le menacer et à battre la servante qui vit avec eux. Au cours de son arrestation, on trouve sur lui une fausse clé du grenier de son maître.

accusé, détenu : Bagadion Laurent P., fils de feu Anthelme, domestique du curé Durieux, 38 ans, époux de Claudine G., originaire de Gerbaix, habitant de Chamoux-sur-Gelon ; cinq ans de galères requis mais acquittement. Arrêt du Sénat : inhibition de molestie.
victime :
Marie V., fille d'Antoine,domestique du curé Durieux, originaire de Saint-Pierre-d'Albigny, habitante de Chamoux
victime : Révérend
Jean Baptiste Durieux, fils de feu Jean Baptiste, originaire de Lanslebourg, habitant de Chamoux.

La décision de la Cour est curieuse… (1786, c'est précisément l'année où le Révérend Durieux laissa la cure de Chamoux)

Pour ceux qui ont apprécié le film La Trace, voici une affaire qui fut jugée en Maurienne :

1692 -  Judicature mage de Maurienne. Lieu du délit : Chambre (La). Type de délit : crime de sacrilège, de faux.
Un "étranger habillé en ecclésiastique" est arrêté à Saint-Jean-de-Maurienne. Ses lettres de prêtrise sont fausses et il a célébré la messe à La Chambre.

accusé, détenu : Claude T., originaire du Mans ; remarque : l'accusé essaye d'échapper à la justice civile et même de s'enrôler - condamné à mort le 23 mai 1692. Arrêt du Sénat : pendu et étranglé.


Justice seigneuriale

La justice royale avait progressivement pris le pas sur la justice seigneuriale ; on voit même des nobles condamnés, ou désavoués, face à des roturiers - quoique les jugements montrent une certaine mansuétude pour eux.
Les droits de justice des seigneurs s'étaient peu à peu éteints dans la pratique - mais pas sur le papier.
Dans le consignement des fiefs de Joseph d'Albert, du 25 novembre 1775, on lit :

Dans l’étendue de la Seigneurie et mandement de Chamoux et des trois paroisses, noble Joseph D’albert déclare avoir Juridiction Haute Moyenne et Basse, les prés, terres, bois, Bâtiments, moulins, marais, montagnes, mines, minéraux, chemins, publics, droits de pêche et de chasse, cours et décours d’eaux, communes, pacages, affouages, boucherie, et le droit d’[avoir] juge, greffier, châtelain, curial, métral et tous autres officiers nécessaires pour l’administration de la justice en première et seconde instance, avec pouvoir d’ériger fourches patibulaires, plots, piloris et tous autres artifices pour l’exercice de la justice et pour l’exécution des criminels et généralement tous les autres droits quelconques dont le souverain a joui et pu jouir avant l'inféodation ci-devant désignée sauf et réservés la souveraineté et l’arrière fief. 1

A Chamoux aussi…

Fourches patibulaires
A verifier "- Les Fourches Patibulaires : ce sont des colonnes de pierres au haut desquelles il y a une traverse à laquelle les condamnés à la mort sont attachés pour être étranglés; où, après avoir été suppliciés, ils sont exposés à la vue des passants.
Il ne sert donc qu'aux supplices capitaux, dont les exécutions ne se faisaient autrefois que hors les villes. C'est pour cela elles sont toujours plantées hors les bourgs, sur les terres de la Seigneurie (dans les champs).

Seul le seigneur Haut Justicier a le droit d'avoir des fourches patibulaires (ou gibets), puisqu'il a le droit de condamner un criminel à mort. De là vient que celui qui met à exécution les jugements de condamnation à mort, est appelé "exécuteur de la Haute Justice".
A l'égard du nombre des piliers des fourches patibulaires, il y en a à 2, à 3, à 4 ou à 6, selon le titre et la qualité des fiefs qui ont droit d'en avoir. Les simples seigneurs Hauts Justiciers n'ont ordinairement droit d'avoir que des fourches patibulaires à 2 piliers, s'ils ne sont fondés en titre ou possession immémoriale. Les fourches à 3 piliers n'appartiennent de droit qu'aux seigneurs châtelains; celles à 4 piliers n'appartiennent qu'aux barons ou Vicomtes; celles à 6 piliers n'appartiennent qu'aux Comtes. Mais après tout, ce droit est différent selon les différentes coutumes.
Les fourches patibulaires tombées doivent être rétablies dans l'an et jour de leur destruction; après ce temps, il faut recourir au Prince pour les rétablir. Il en va de même d'ailleurs pour les piloris, échelles et poteaux à mettre carcan.
Il est à remarquer que les Seigneurs particuliers ne peuvent élever des potences dans les localités où le Roi a une portion de la Justice.

- Le Pilori : c'est un poteau qu'un Haut Justicier fait élever en un carrefour pour marque de sa Seigneurie, où sont ses armes et ordinairement un carcan. Il sert pour les punitions corporelles non capitales qui, de tout temps, ont pu être faites dans les villes; c'est pourquoi il est toujours mis au principal carrefour ou endroit de la ville, bourg ou village de la Seigneurie. "

Recherche 05-2012 - A.Dh.


Notes
* regrattier : celui, celle qui vend en détail, et de seconde main, des marchandises de médiocre valeur. Anciennement, regrattiers, ceux qui vendaient du sel à petite mesure, dans les pays de gabelle. (Littré).
** favetier : paysan soumis à la main-morte


Sources bibliographiques
• ADS, Préfecture de la Savoie : administration et comptabilité communale : tutelle des administrations communales, 1860-1965 Série O. 
• ADS - Archives de Cour. - Consignements et sommaires
• ADS - Procédures civiles et criminelles du Sénat, 1559-1792


Bibliographie
A verifier Dictionnaire de Droit et de Pratique : La justice seigneuriale et les droits seigneuriaux par Claude-Joseph de Ferrière, doyen des docteurs-régens de la Faculté des droits de Paris, et ancien avocat au Parlement (2 tomes, Paris, 1769.) http://pierre.collenot.pagesperso-orange.fr/Issards_eng/archiv_div/div_justice_1769.htm

L'abolition des droits seigneuriaux en Savoie (1761-1793) documents publiés par Max Bruchet (1868-1929). Éditeur scientifique
Éditeur : Impr. Hérisson frères (Annecy)  1908 (sur Gallica.bnf/fr
)


Pour les chercheurs : ressources à explorer
sur la présence de la famille de Livron à Chamoux (et alentour) : ADS -Archives et inventaires » Archives privées » Archives familiales et personnelles » Fonds MARESHAL de LUCIANE -
- Familles diverses (10F 47-50) - 10F 48 : Familles Deville (1629) ; du Bourget, de Chambéry (1504) ; du Chastellard (1501) ; du Daz (de Audacio), de Chambéry (1505-1529) ; du Goy (1612) ; Girard (1483) ; de Livron ; biens et droits au Bettonet, à Chamoux, à Villard-d’Héry (1324-1593) 1324-1629 = 14 pièces parchemin -
- Famille de LIVRON (10F 297-311) -
10F 297-298 Titres divers 1487-1793 (297 : 1487-1714 - 298  : 1730-1793)
10F 299 Comptes, obligations, mémoires à règler, quittances
(10F 300 Louis de Livron. - Procès contre sa sœur Elisabeth, femme de Joseph Vulliet ; procès au sujet de la succession de sa soeur Françoise Claudine, mariée à Georges Janin XVIIIe siècle
10F 301-302 Succession de la veuve du président Cullet dévolus à Madeleine de Livron ; pièces concernant la famille Cullet XVIIe-XVIIIe siècles
301 Pièces diverses XVIIe-XVIIIe siècles
302 Livre de raison du président Cullet XVIIIe siècle)
10F 303-308 Affaires ou procès des Livron avec les familles ou les individus ci-après nommés ; pièces concernant ces familles ou ces individus XVIIe-XVIIIe siècles
(303 Familles Tardy et Isard
304 Procès Tardy contre Thiabaud, Tardy contre Arestan, de Livron contre Tardy
305 Familles Rostaing et de Lalée
306 Succession George et famille Duroch
307 Jean Pierre Ripert
308 Gervais Mollin ; Jacques Philippe Crusillat, de Montmélian ; J.-B. Hugonnier, de Montailleur et les père et fils Maniot, de Conflans ; la veuve François Deperse, de Chambéry)