Brigandages ?

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Voici un épisode de la vie tumultueuse de Louis de La Chambre, seigneur de Chamoux (et de beaucoup d'autres fiefs) rapporté dans les Travaux de la Société d'histoire et d'archéologie de la province de Maurienne en 1894 : à croire cette version, on ne s'étonnera pas que Louis ait fait construire dans la cour du château de Chamoux, peu avant sa mort, la chapelle Sainte-Anne… pour le repos de son âme; mais ceci est une autre histoire…
(Une autre version suit (Lèse-majesté ?) : c'est le texte d'où tout est parti. Un texte truqué dès l'origine ! Voilà qui alerte sur les récits d'Histoire !)

Du chambard à Chamoux

Les exactions de Louis de la Chambre
"Malgré sa puissante autorité, le châtelain d'Aiguebelle rencontra, vers la fin du XVe siècle, un homme plus puissant que lui, Louis de la Chambre. Les malheureux évènements qui ont précédé la régence d'Yolande de France, duchesse de Savoie et mère du duc Philibert, les excès et les abus commis par Philippe de Bresse et par Louis de la Chambre durant l'administration de cette princesse, à l'âme si virile, ont attiré sur Aiguebelle les brigandages de ce seigneur."

"Il eut la témérité d'y envoyer vingt-cinq ou trente hommes d'armes qui entrèrent dans le prieuré de Saint-Etienne, en enlevèrent les armes ducales des portes, malgré Jacques Bissard, secrétaire du duc de Bresse, qui en avait été nommé gardien, dépouillèrent celui-ci de tous ses effets, le conduisirent jusque sur le pont où ils voulurent le tuer, et ne le laissèrent échapper qu'en chemise, in camesia, grâce à de bonnes paroles, bonis verbis."

Louis de Seyssel-La Chambre - Marc de Seyssel-Cressieu/ Gallica"Quelques jours après, ses mêmes gens d'armes redescendirent à Aiguebelle, se saisirent du procureur général Gariod qui y était venu, de la part du Conseil Résident, pour prendre des informations judiciaires sur les violences, vols et autres crimes commis par Louis de la Chambre et ses gens ; ils lui brisèrent bras et jambes. Gariod fut transporté dans l'hôpital de Saint-Georges à Aiguebelle mais, les satellites de cruauté étant revenus sur ordre de Louis de la Chambre, le procureur général se vit arraché de son lit, quoique couvert de plaies saignantes, roué de nouveaux coups sur la place publique, en présence des autorités tremblantes et stupéfaites de tant de barbarie sur un magistrat et, laissé pour mort, il eut tout son argent, son épée, ses vêtements, ses deux chevaux, enfin tous ses effets enlevés par les brigands, qui non contents d'avoir roué de coups le maître, frappèrent encore son domestique."

Louis de la Chambre,
in La maison de Seyssel : ses origines, sa généalogie, son histoire
de Marc de Seyssel-Cressieu

"A la suite du récit qu'ils lui firent de leurs atrocités, Louis eut encore l'orgueilleuse et brutale jactance de menacer des mêmes châtiments quiconque oserait venir s'enquérir de ses actions."

"A la même époque (1480 à 1490), il séquestra et incarcéra dans son château de Chamoux, pendant vingt-deux mois, noble Raymond Ravoire, seigneur des Hurtières, dépendant du duc de Savoie. Il voulut même livrer à la mort le frère de Raymond, religieux observantin qui était allé supplier pour la délivrance de celui-ci, en lui portant à ce sujet des lettres au nom du duc.
Le moine fut obligé de promptement se cacher jusqu'à ce que les officiers ducaux se fussent emparés de ce château et eussent délivré Raymond."

"Insatiable dans ses déprédations et ses méfaits, Louis envoya à Mont-Grepon, hameau de Bontvillaret, une nombreuse bande de gens armés qui saccagèrent, pillèrent les maisons des tenanciers inoffensifs, leur extorquèrent 300 florins, quoiqu'ils fussent sujets immédiats du duc de Savoie.
Enfin, il n'eut pas crainte d'incarcérer dans son château de la Chambre le châtelain même d'Aiguebelle, qui lui avait été député par le duc, et de ne le laisser libre qu'après extorsion de 6 florins."

Point de vue stratégique du Château de L'Huile  - Photo A.Dh.
Nid d'aigle ! Le point de vue stratégique du château-fort de L'Huile face au Grésivaudan, et sur la route du Cucheron

"Tant de crimes commis non seulement à Aiguebelle, à Chamoux, mais encore dans les Huiles, dans les Cuines et ailleurs en Maurienne, avaient répandu une consternation si générale, une terreur si grande dans nos vallées, que l'on n'osait plus y circuler même de jour."

Vue du Château de la Chambre, sur la Vallée de la Maurienne - Photo A.Dh."Les châteaux-forts de la Chambre, des Cuines, de Chamoux, d'Epierre, des Huiles, se remplissaient de ses victimes, des officiers, des fonctionnaires, des serviteurs du prince, des étrangers qu'il avait fait saisir, rançonner sans pitié à leur passage, pillant l'or, l'argent, tous les effets, prenant les lettres et les messages, les lisant sans discrétion et les jetant ensuite à l'eau.
Ainsi fit-il pendant près de dix ans.
"


Nid d'aigle encore ! Point de vue du château fort de
La Chambre sur la Vallée de la Maurienne

"Aiguebelle, malgré son château, ses murs et son châtelain, tremblait comme les populations environnantes, livrées à la merci de ce noble brigand."

"Justice est venue pourtant.
Le 13 août 1491, fut publiée par le héraut d'armes du prince la sentence de Philippe de Savoie, gouverneur et lieutenant général du duc CharIes-Jean-Amédée, qui déclarait tous les châteaux, lieux, fiefs, arrière-fiefs, biens et revenus possédés par Louis de la Chambre, confisqués pour les crimes de félonie et de lèse-majesté qu'il avait commis, biens qui furent incorporés au patrimoine ducal par la duchesse Blanche de Savoie en ses lettres patentes du 20 septembre 1491. L'énergie et la puissance enfin étaient venues rétablir la sécurité et la tranquillité à Aiguebelle comme en Maurienne.
Par ordre de la duchesse, on avait déjà démoli les murs bastionnés du château de Châteauneuf
."

in Travaux de la Société d'histoire et d'archéologie de la province de Maurienne :
bulletin 1894 p.135 (SER2T1) Source: gallica.bnf.fr

Nous présentons ici une version des faits : on peut constater que l'auteur prend très nettement partie contre Louis de La Chambre, sans trop se poser de questions !
Bien entendu, d'autres auteurs tout aussi respectables ont relativisé l'affaire.
Au tout début du XXe siècle, Marc de Seyssel-Cressieu, parent indirect de Louis de Seyssel de la Chambre, expliquait ces brutalités par de graves provocations d'adversaires politiques de Louis. Hum…
Mais il donnait aussi le texte de l'acte d'accusation, établi par Philippe de Bresse, ennemi juré de Louis 1er depuis longtemps, et c'est une liste pêle-mêle d'actes de brigandage effarante… donc peu convaincante: voilà qui donne à réfléchir.

D'ailleurs, soutenu par le Roi de France, quelques années plus tard, Louis put récupérer ses fiefs, et même retrouver une place brillante à la Cour de Savoie.
À la Rochette, l'Eglise des Carmes a conservé jusqu'à la Révolution son tombeau, magnifique, et ceux de ses épouses. Alors, que penser ?

Tout de même, les châteaux de Louis - et pas seulement Aix et Châteauneuf - ont bien failli être détuits, sur la demande de la Régente Blanche !

Pour plus d'informations :
La Maison de Seyssel, par Marc de Seyssel-Cressieu, consultable sur Gallica.bnf.fr … et bien sûr, les Archives départementales de Savoie

Recherche et transcription A.Dh. 2012