À Chamoux, sur la pente, Château-Verdon, ou Chateauvieux
…ou Château-Verdun.
Que sait-on de ce lieu-dit, encore présent sur le cadastre de 1882, devenu quasiment illisible?
Une courte notice de Vachez2 nous dit : "Château de Verdon ou Château Vieux ; dominant la gorge du Nant Montendry, sur le vieux chemin, ruines du premier château de Chamoux, attesté au Xe siècle."
Dans Histoire des communes savoyardes3, on peut lire : "Vers 1100 un château existe déjà : c'est le château vieux ou Verdon qui sera cité jusqu'en 1433 et qui se confond peut-être avec le château de Montendry, possession du seigneur Andric dont il était un centre militaire. Il était situé un peu au dessus du bourg dominant le nant de Montendry et sa gorge. On n'en distingue plus que quelques restes de murs."
"Château" ne pose pas problème, ni même "Châteauvieux", puisque pendant 150 ans, cette forteresse fut voisine du château que nous connaissons encore, au débouché du Nant (le Château neuf, donc).
Mais que signifie "Verdon" ( ou Verdun, puisque les deux versions se rencontrent dans les textes)?
Là encore, pas de problème, l'étymologie de ce nom… connu ailleurs, est claire : "dun", qui termine bien des noms de villes jusqu'en Irlande, vient du celte, et désigne une hauteur fortifiée (la plupart des premières forteresses étaient d'ailleurs perchées, quitte à remblayer une "motte"). Pour certains, Ver_ vient de Vir et serait un nom d'homme (en latin, vir signifie homme).
Il n'y a donc rien d'incohérent à avoir nommé Verdun ce château accroché dans la pente, bien en vue du château de Miollans, et peut-être aussi, des tours de Montmayeur.
Qui étaient les occupants de Château-Verdon, que sont-ils devenus ?
Conjectures.
Ici, on peut seulement évoquer des fils à tirer :
1- D'abord, il faudrait retrouver les textes qui ont permis les affirmations citées ci-dessus.
2- Dans un article4 intitulé Mémoires dans les Travaux de la Société d'histoire et d'archéologie de la province de Maurienne (p.33), on lit : '
"En 1019, Geoffroy de Chamoux restitue au Chapitre les églises d'Aiton, de Bonvillaret et de Randens, avec leurs dîmes et propriétés. Ainsi jusqu'en 1025, nous sommes autorisés à croire que les ruines de 900 ont été relevées et qu'aucun nouveau désastre n'a frappé la ville de St-Jean."
La charte, superbe, déposée ax ADS, est consultable en ligne. (cote 3G 86)
On y voit, au XIe siècle, un Geoffroy "du château de Chamoux" rendre des églises proches de Chamoux sous conditions: cela ne prouve pas qu'il fut seigneur à Chamoux, mais permet de s'interroger.
Il existe par ailleurs un document à voir aux Archives départementales de Savoie, coté C2497 , mot clé : de Chamoux.
On en apprend un peu plus avec les Mémoires et documents publiés par la Société savoisienne d'histoire ...de 1912 (SER2,T52) (http://gallica.bnf.fr/) :
" L'église d'Aiton, dont nous ne connaissons pas la date de fondation, se trouvait, avec les biens qui en formaient la dotation, dans le patrimoine d'un laïc, le seigneur de Chamoux. C'est probablement là un exemple de propriété privée d'une église, comme on en rencontre souvent avant le XIIe siècle. Cela n'a rien qui doive nous étonner et nous pourrions en citer d'autres exemples en Savoie.
Relativement à l'église d'Aiton, les XIe et XIIe siècles nous fournissent un certain nombre de textes.
C'est d'abord une charte du 31 janvier et du 21e jour de la lune, que Mgr Billiet croit devoir dater de 1019, par laquelle Geoffroi de Chamoux fait don de notre église aux chanoines de Saint-Jean-de-Maurienne. Cette donation, faite pour rendre favorables les chanoines de Saint-Jean et les inciter à accueillir dans leur chapitre un fils du donateur, se comprend d'autant plus facilement que nous sommes à une époque où l'église lutte contre la propriété privée des églises, et cherche par tous les moyens à faire rentrer sous la puissance des évêques ou, à leur défaut, des grandes abbayes toutes celles qui se trouvaient dans les mains laïques.
Voici ce texte, tel qu'il a été donné dans les documents publiés par l'Académie de Savoie, t. II, p. 11 :
Quia filiorum est parentum suorum curam gerere et parentum filiis providere, idcirco ego Guidfredus de Castro quod dicitur Camos dono et reddo ecclesie beati Johannis Mauriennensis et communitati canonicorum ibi servientium ecclesiam de Ethone et ecclesiam de Bonvillaret et ecclesiam de Randens cum dotibus suis et cum decimis et cum omnibus suis ecclesiasticis appendiciis, laudante uxore mea Amaltrude et omnibus filiis meis, Nantelmo,
Andrico, Guidfredo, Ainardo, Jothalmo, Aimerico, Umberto. Hanc autem donalionem tali pacto facio, ut filium meum Amedeum in consorcio suo recipiant, et ut bona Maurianensis ecclesie habeat, sicut alii videntur habere, et ut unum tantum ex filiis meis aliis, qui clericus sit, predicto ténore recipiant, postquam predictus filius meus Amedeus ex hac vita migraverit. Facio eliam predictam ecclesiam de Ethone et ceteras duas libéras ab omni inquisitione, ut deinceps nec ego nec uxor mea nec aliquis ex progenie mea aliquod servicium nec censuale nec spontaneum ab eis audeat exigere, sed soli canonici habeant licentiam exigendi ab eis vel faciendi quicquid inde exigere vel facere voluerint. Actum est hoc II kalendas februarii, luna XXI. Hujus donationis testes sunt Silvo decanus, Wido presbyter, Widfredus pater Petri canonici.
Nous donnons ce texte selon la version de Mgr Billiet et sous réserves. Nous n'avons pas rencontré l'original dans nos recherches (en particulier dans les archives de l'évêché de Maurienne), et l'auteur n'a pas donné de référence. — L'acte peut se placer indifféremment en 1019, 1038, 1057, 1076, 1095, 1114, 1133. L'écriture paraît être (du moins l'affirme Billiet) du XIe ou du XIIe siècle.
A notre avis, cette charte doit être placée en l'année 1057 ou 1076, car les restitutions d'églises privées sont probablement, dans notre région, postérieures à 1046.
Cibrario et Promis ont publié une charte qui a beaucoup intrigué M. de Manteyer qui la place en 1043, et M. Rénaux (p. 68) qui la date de 1046. Cette charte par laquelle l'évêque et le comte font une donation au chapitre de Saint-Jean se termine par cette phrase :
Et episcopus donat ibi omnes ecclesias, quas laici tenent vel unquam tenebunt in suo episcopatu, licet per hereditatem aliqua amplius sibi querere videbuntur, ea raiione : si noluerint ecclesias reddere, canonici interdicant illas, ac etiam altaria sternant.
Il paraît logique de penser que c'est à la suite de cette menace que Geoffroi de Chamoux a restitué aux chanoines les églises qu'il possédait, et par conséquent d'assigner à cette charte une date postérieure à 1046. Parmi les témoins qui ont signé cet acte, on peut supposer que Silvo decanus est le doyen du chapitre d'Aiton : l'acte serait alors passé à Aiton, et le Wido presbyter serait peut-être le curé."
3- Une famille De Verdon/De Verdun a existé dans la Combe de Savoie !
Une promenade à Cruet, nous fait découvrir au-dessus du château de Rives un autre château, au bord du chemin de Verdon-Dessus !
Et encore plus haut, et probablement encore plus ancienne, une tour, qui jouissait d'une vue imprenable sur le Coisin et les Hurtières. •>
Vue sur le Coisin, les Hurtières, le Grand Arc, la Lauzière… depuis le château près du chemin de "Verdon-Dessus".
En A, la gorge du Nant de Montendry au-dessus de Chamoux ; en B, la situation des Tours de Montmayeur ; C : Château de Rives.
Là encore, les informations ne sont pas très abondantes, mais on peut apprendre que cette famille de Verdon, sise à Cruet, était apparentée à la famille de Chignin*.
(Antoine de Seyssel et son fils furent seigneurs de Chignin).
Y a-t-il un rapport avec le Châteauvieux de Chamoux?
La réponse est probablement oui : Félix Bernard 5 signale un document* appartenant aux "Archives du Château de Chamoux" par lequel "noble Triat de Verdon, de Cruet, échange son château de Verdon au-dessus de Chamoux contre une maison forte à St-Jean Pied-Gauthier, le 27 février 1433."
Conjecture ?
Ballade casse-cou
En tous cas, dans la pente raide au-dessus du vieux Chamoux, on peut encore distinguer quelques mètres de murets maçonnés, qui semblent adopter le tracé du périmètre de la parcelle n°1520 de la Mappe de 1732; l'appareillage des pierres, la nature du mortier, ressemblent à ceux du Château (en partie contemporain) de Charbonnières à Aiguebelle: il est difficile d'en dire plus.
Aujourd'hui, ces ruines ont presque disparu. Déjà en février 1869, "une pièce de bois et broussailles d'environ 1,20 Ha à Château Verdon" était proposée à la vente (aux enchères). Mise à prix : 300F
Remarque :
Il faut rappeler que nul n'est autorisé à "gratter" dans des ruines sans l'autorisation des services compétents. On ne peut que désavouer des "chercheurs" comme celui-ci, rencontré dans les ruines de Charbonnières avec sa "poèle à frire" !
* Source inconnue :
"En 1370, les frères Pierre et Jean Verdon sont investis de la maison forte [de Chamoux] par mariage, il passe à la famille Seyssel."
Vers 1400, on rencontre noble Mermet de Provane, père de noble Philibert de Provane: par contrat du 26 octobre 1479, noble Philibert de Provane épouse demoiselle Pernette de Verdun de Chignin, fille de feu noble Pierre de Verdun et sœur de noble Hugues de Verdun. Noble Loys de Provane, peut-être le fils de noble Philibert, eut pour enfants : Jacques, messire Jean prêtre, Pierre, François et Jeanne. Ceux-ci, en 1543, sont héritiers de noble Philibert et réclament la dot de 800 florins constituée en 1479 par noble Hugues de Verdun à sa sœur Pernette de Verdun, lors de son mariage. Les cinq frères et sœur cèdent leurs droits à noble Claude-François de Candie et à noble Jean-Antoine de Blondet, héritiers dudit feu noble Hugues de Verdun, moyennant la somme de 120 écus d'or, par acte fait à Chambéry, le 18 juillet 1543, Jean Rancurel, notaire
(Arch. Montmélian citée dans Le Pays de Montmayeur de Félix Bernard 6)
En 1433, Jeanne de la Rochette, (épouse d'Antoine de Seyssel), vend une maison forte à Triact de Verdon (Archives départementales de Savoie, C 4857; Déclaration de biens féodaux, f° 257)
Sources bibliographiques :
Archives départementales de Savoie
1- Mappe 1728-1732, cadastre de 1882, Archives départementales de Savoie, Archives en ligne, Plans cadastraux
2- Monuments historiques de France publiés par départements : Savoie.( A. Rouget, A. Vachez. Lyon, [1895], 56 planches)
3- Histoire des communes savoyardes tome III (PH. Paillard - M. Brocard - M. Messier Poche - P. Dompnier.) Traditions Horvath. Archives départementales Chambéry.
4- Travaux de la Société d'histoire et d'archéologie de la province de Maurienne : bulletin 1901 (SER2,T3,PART1)
5- Histoire du décanat de la Rochette, de Félix Bernard ( Imprimeries réunies Chambéry 1931)
6- Le Pays de Montmayeur de Félix Bernard - Imprimerie Allier, dépôt légal 1971
Pour les chercheurs : ressources à explorer :
Archives Départementales de SAVOIE
• Verdun - (fief) - C 318 1512
• cote C2497 , mot clé : de Chamoux.
• Cadastre général de : Chamoux-sur-Gelon. - Tabelle-minute (Cadastre primitif) de la commune de Chamoux, contenant les noms de tous les propriétaires ; par ordre alphabétique et indiquant, pour chacune des parcelles qui leur appartiennent, le numéro cadastral, le lieu-dit, la nature de culture et la contenance en mesures de Savoie et de Piémont. - Biens de noble Blanc, gouverneur de Miolans ; de noble Bazin ; des chapelles de Montranger, de Villardizier, de Saint-Gras, de Saint-Blaise, de Saint-Sébastien, de Saint-Jean, de Sainte-Catherine, du baron de Châteauneuf ; de la chartreuse de Saint-Hugon ; de la cure du Bettonnet ; de la cure de Chamoux ; de la cure de Villard- d'Héry ; des nobles Pierre et Charles du Villard ; des nobles Antoine et Louis-Hercule Degalis ; des nobles de Livron, Vincent de Lalée, Pierre de Mellarède ; du baron de Montfort ; de l’évêque de Maurienne ; du prieuré de Saint-Rambert ; du prieuré de Saint-Robert ; du marquis de Saint-Michel ; biens indivis entre les communes de Chamoux pour 2/3 et Bourgneuf pour 1/3 ; biens communaux du village de Montranger ; de la commune de Chamoux ; châteauvieux au-dessus de Chamoux ; chapelle de Notre-dame de Grâce. etc. Surface cadastrée de la commune : 3662 J. 112 T. 0P. en mesures de Savoie.
Dates extêmes : 1729 - ...
Cote : C 2494 Cote à consulter: 4Num 250
Producteur : Bureau de la Péréquation générale et du cadastre Lieu : Chamoux-sur-Gelon Comm.
Communicabilité : Non
• IR702B - Série I-I Papiers de famille
I - II - 13 (liasse) 1329-1384
- Quittance en faveur desdits enfants d'Amé de Bignin (?) : par nobles Pierre et Jean, fils de feu Guillaume de Verdon, chevalier, de 2 sols, 7 deniers et oboles forts, montant du plaid dû, en raison de la mort de Guillaume de Verdon; sur une vigne et une grange sises à Arbin, du fief des Verdon (Notaire Jean Moret, 28 février 1339)
I - II - 40 (liasse) 1358-1511
- Par Jean Billiot, de Saint Laurent de Cruet, de 6 seytorées de pré situées sous Saint-Jean de la Porte. Servis annuel : 6 deniers forts, plus 6 deniers de plaid. Témoin, Claude de Verdon, damoiseau (Notaire Georges des Clets, 25 janvier 1392)
Archives départementales de Savoie - Archives de cour, Province de Savoie (inventaire 1967),
Chambéry, paquet n°3 :
Trésor des chartes
SA 9 Rentes féodales ou fiefs sans juridiction. Ordre alphabétique de H à Y. Table puis analyse d'actes de 1256 à 1776 concernant des rentes féodales (…) de Verdun à Cruet
- SA 7 (-> SA 16) - Vente par Jean Verdun…
SA 60
- VILLETTE (CHEVRON-VILLETTE). Testament de Léone de La Croix, veuve de Pierre de Verdon, chevalier, qui institue comme héritier universel Thibaud de Villette son fils (1338).
- VERDON (Pierre de)
2012 - A.Dh.