Travail de fourmi pour cette page, où il a fallu fouiner dans les registres paroissiaux et communaux de 3 villages pour préciser, et parfois rectifier les rares informations trouvées sur la famille Graffion. Aussi, les références aux Registres sont tout particulièrement précisées en bas de page. A.Dh.
Après le XVIIe siècle où le château de Chamoux fut peut-être plus un bien immobilier source de revenus, qu'une maison où l'on vit, une nouvelle famille s'était installée dans les murs : Albert Arestan de Montfort, puis son petit-fils Joseph d'Albert, au XVIIIe siècle, seigneurs de trois paroisses.
Puis, l'ère révolutionnaire a liquidé ce qui restait de féodalité. Restaient cependant des propriétés foncières, que les nobles ont souvent pu récupérer au retour de la Savoie au Royaume de Piémont-Sardaigne.
Au XIXe siècle, le château de Chamoux et ses terres allaient se transmettre encore par héritage.
Mais les lignées bifurquent, les noms des familles changent car on voit les biens transmis d'une épouse défunte à son mari - ou l'inverse : soudain, les enfants sont rares - il est vrai qu'on se marie tard.
Ces seigneurs (les fils de Joseph d'Albert, le baron Graffion, le comte de Sonnaz), n'ont plus de rôle politique majeur ; ils ont en commun leur métier : ce sont des militaires, avec une solde, une retraite, intégrés dans une armée moderne, assez éloignée des troupes levées par les grands seigneurs des XIVe et XVe siècles.
le 5 décembre 1772, un contrat dotal lie Marie-Marguerite d'Albert, fille aînée de Joseph et Cécile d'Albert, née en 17491, au Baron François Graffion2; elle l'épouse en avril 1773 (elle a 24 ans, il en a 46)2bis
François Graffion est né à Saint-Pierre d'Albigny en septembre 1727. 3
Il poursuit une carrière d'officier dans l'artillerie.
Anecdote : à l'occasion du passage de la princesse de Lamballe et du roi Victor-Amédée III à St-Jean de Maurienne en 1767 "Mrs les nobles sindics , suivant leur commission portée par délibération du 25 février proche passé, ont eu l'honneur de prier Mgr notre illustrissime Evêque de donner son sentiment sur les dispositions à prendre pour rendre à S. M. tous les devoirs qui dépendent de la ville, à son arrivée, séjour et passage. Il leur a répondu qu'il convenait entr'autres de faire un feu d'artifice, et comme il n'y a personne icy qui soit à même de le dresser, Mrs les sindics ont été priés d'écrire à M. Graffion, officier d'artillerie, pour savoir le prix d'un feu d'artifice proportionné à l'étendue de la place qui est entre l'Evêché et la cathédrale et aux fonds dont la ville peut disposer." 4
Ils ont au moins une fille, Julie5, et un fils, Joseph-François-Marie Graffion, né à St-Pierre d'Albigny, en 1774.5 Le parrain est son grand-père (l'histoire se répète), noble Joseph d'Albert, et la marraine est sa grand-mère, Marie-Cécile d'Albert née Didier.
Le titre de baron est accordé par le roi en daté du 27.5.1788 à François Graffion. (un Extrait des Registres de la Chambre des Comptes confirme ce titre : document passé en vente en 2011)
Jusqu'en 1794, le baron Graffion échange avec son beau-frère Simon d'Albert, capitaine des grenadiers dans le régiment de Maurienne (côté sarde), dans divers courriers où ce dernier lui livre ses soucis.6
François Graffion a des biens à St-Pierre d'Albigny. Militaire, il finit colonel, retraité, le 14 frimaire an XII (1803 ; il a 70 ans). (Son fils, Joseph est également mis à la retraite à la même date, avec le grade de lieutenant, à 26 ans).7
François Graffion semble s'intéresser aux affaires de la paroisse : on trouve sa signature en tant que témoin à plusieurs reprises sur des registres d'état-civil. 8
François, et/ou Joseph s'occupe(nt) de leurs domaines ; Maurice Messiez cite leur pressoir au Bourget de St-Pierre d'Albigny : ils exploitent donc aussi les vignes de leur premier domaine sur la rive "adret" de la Combe.
En juillet 1811, à 37 ans, son fils Joseph-François-Marie Graffion "fils de vivant François Graffion et de feue Marie-Marguerite d'Albert" épouse à Saint-Hélène du Lac, "demoiselle Françoise-Catherine de Roberty, native de Ste-Hélène, fille de François-Auguste de Roberty, et de Dame Thérèse de Gerbaix de Sonaz"9 âgée de 23 ans.10
(En 1794, pendant le règne de la Terreur en France, la famille de Roberty a pris la route de l'exil, comme beaucoup de familles nobles de Savoie et s'est réfugiée à Turin. Par suite d'un décret de la Convention tous ses biens ont été confisqués et déclarés propriété de l'État.
A son retour, après la Terreur, le baron de Roberty est rentré en possession de ses biens de Ste Hélène (dans le courant de l'année 1808). Après sa mort en 1810, ses filles ont hérité et se sont partagé l'ensemble des domaines des De Roberty.)
Blason de la famille de Roberty (Armorial de Foras)
Fin de partie…
Quand Marie-Marguerite née d'Albert meurt-elle ? (Meurt-elle d'ailleurs en Savoie ?) Les registres d'état-civil ne l'ont pas révélé. Unique héritière des biens de ses parents, elle est dite "feue" (décédée) au mariage de son fils Joseph, en 1811.
Le 10 mai 1814, les registres de Chamoux notent le décès de Balthazard de Roberti.11 , de Sainte-Hélène du Lac, fils de feu Auguste de Roberti, baron de Sainte Hélène du Lac, et de Thérèse de Gerbaix de Sonnaz, âge de 31 ans - mort chez sa sœur ?)
Le vieux baron, François Graffion, "fils de Stéphane", apparaît à son tour sur le registre paroissial des décès de Chamoux* : il meurt en février 1816, "âgé de plus de 80 ans". Il a 89 ans.12
Après le retour de la Savoie au Duché, et la reprise en mains, Turin nomme le baron Joseph syndic .
Puis le château de Chamoux s'ouvre à nouveau à la fête, pour Louise, la sœur de Françoise-Catherine de Roberty ; les domaines séquestrés de la famille de Roberty avaient souffert de la Révolution: est-ce l'explication de ce mariage "invité" ? (Louise est bien attestée, baptisée en 1788 à Ste-Hélène du Lac.13)
Joseph Graffion apparaît en effet sur un registre paroissial de Chamoux (hélas tenu par le redoutable curé J.B. Rambaud), à l'occasion du mariage de Louise de Roberty et du comte Joseph Martin Montu, le 20 novembre 1817.14 Était-il témoin du mariage ?
Aide bienvenue, pour le déchiffrage de
l'Acte de mariage de Louise de Roberty ! 14
Joseph Graffion meurt à Chamoux en janvier 1821 (à 47 ans).15
Sa veuve et héritière se remarie en 1824 avec le général comte Hippolyte de Gerbais de Sonnaz, et décède à Turin en 1831.
L'arrivée d'Hippolyte de Gerbaix de Sonnaz à Chamoux est certaine. Nous n'avons pas d'acte concernant son mariage.
Une Arlésienne à Chamoux…
Reste à en préciser la date du 1er mariage d'H. de Sonnaz… mais aussi le prénom de son épouse qui fit passer le château de Chamoux des Montfort / Albert, aux Sonnaz. En effet, il y a divergence entre les sources érudites locales.
Car… en manque de preuves par les Registres locaux pour ce mariage, nous avons parcouru les notices d'auteurs du voisinage.
Selon Christian Regat, "Le château passa ensuite à son gendre, le baron François Graffion, colonel et inspecteur général des Mines. Le fils de ce dernier, mort sous postérité en 1821, laissa le château à son épouse, Jeanne de Roberty de Sainte-Hélène qui se remaria en 1824 avec le général comte Hippolyte de Gerbais de Sonnaz. Jeanne de Roberty [décéda] en 1831."
Mais, Maurice Messier (dans La Combe de Savoie autrefois) écrit : "Par l'intermédiaire de Céline de Roberty, veuve du baron Graffion, [le château de Chamoux] devint la demeure de son second mari, le général de Sonnaz "
Et… le site lacanim reprend cette source : "Céline de Roberty avait épousé en première noce le Baron Graffion propriétaire du château de Chamoux. En 1824, Céline devenu veuve et sans enfant se remarie avec Hippolyte, Général, Comte de Sonnaz qui deviendra à son tour propriétaire du château de Chamoux. Céline meurt à Turin en 1831 toujours sans enfant.16
Or… les registres paroissiaux de Ste-Hélène du Lac ne semblent pas connaître de Céline dans la famille de Roberty - alors qu'on trouve bien l'acte de naissance (1788) de Françoise-Catherine et son acte de mariage avec Joseph Graffion, ainsi que l'acte de naissance de Louise évoquée plus haut (en 1791) ; sans compter plusieurs garçons.
A vrai dire, il a bien existé une Jeanne… quelques heures. Deux documents consécutifs l'attestent, Madame de Roberty mit au monde le 13 septembre 1793 des triplées,17 Bénédicte, Françoise et Jeanne ; mais toutes trois sont mortes le lendemain à quelques heures de distance (2 actes).18
Alors…? Qui fit passer le château de Chamoux du baron Graffion au comte de Sonnaz? Actes de naissance et de 1er mariage à l'appui, nous optons pour Françoise-Catherine de Roberty!
2012- - 2015 Recherche et transcription A.Dh.
Notes
* registre à peine lisible : c'est J.B. Rambaud qui le tient !
Sources bibliographiques et iconographiques
1- Archives Départementales de Savoie : Registres paroissiaux Chamoux naissances (1740-1788 - cote 4E897) p.14
2- Archives Départementales de Savoie : 6E 11842 minutes Mollot an 6 (inventaire après décès de Joseph Dalbert)
2- Archives Départementales de Savoie : Registres paroissiaux Chamoux mariages (1740-1788 - cote 4E905)p.18
3- Archives Départementales de Savoie : Registres paroissiaux St-Pierre d'Albigny naissances (1719-1739 - cote 4E418) p.147
4- Gallica: Travaux de la Société d'histoire et d'archéologie de la province de Maurienne 1898 (SER2,T2)-1899, p. 131 et 135.
5- Archives Départementales de Savoie et Haute-Savoie :
Pour Julie : AD073 cote L 1966 (Arrêtés de l’administration municipale du canton de Chamoux, An 6 de la Révolution française)
Pour Joseph : idem et Registres paroissiaux St-Pierre d'Albigny naissances (1768-1781- AD073 cote 4E421) p.71
D'autre part, selon une fiche Geneanet, Julie Graffion serait née le 6 avril 1776 à Turin (donc bien avant la Révolution, ce qui nous renseigne sur la vie savoyarde entre les territoire "deçà" et "delà" les monts); elle aurait épousé Antoine GRANDIS (1775-1845) le 14 mars 1803 à Veyrier-du-Lac, Haute-Savoie, et donné naissance à 7 enfants. Date de décès non précisée.
6- Gallica: Travaux de la Société d'histoire et d'archéologie de la province de Maurienne : 1911 (SER2,T5)-1914. Pages 183, 184….6- ??
7- internet : GRAFFION François, né à Saint-Pierre d'AIbigny, colonel, retraité le 14 frimaire an 12, 3000 fr, GRAFFION...(Saint-Pierre d'AIbigny).an 12, 3000 fr, GRAFFION Joseph, né à Saint-Pierre d'AIbigny, lieutenant, retraité le 14 frimaire an 12, 200 fr....(Saint-Pierre d'AIbigny )
8- Archives Départementales de Savoie : Registres Chamoux (registre 1802-1806 - cote 4E915) p.19
9- Archives Départementales de Savoie : Registres Ste Hélène du Lac mariages (registre 1802-1837 - cote 4E1437 p.14)
10- Archives Départementales de Savoie : Registres Ste Hélène du Lac naissances (registre 1788-1829 - cote 4E1434 p.4)
11 - Archives Départementales de Savoie : Registres Chamoux décès (registre 1807-1814 - cote 4E916 p.67)
12 - Archives Départementales de Savoie : Registres Chamoux décès (registre 1815-1827 - cote 3E796 p.159)
13- Archives Départementales de Savoie : Registres Ste Hélène du Lac naissances (registre 1788-1829 - cote 4E1434 p.22)
14- Archives Départementales de Savoie : Registres Chamoux mariages (registre 1815-1817 - cote 3E796 p.258)
15 - Archives Départementales de Savoie : Registres Chamoux décès (registre 1820-1837 - cote 4E903 p.80)
16- http://www.lacanim.fr/Histoire%20et%20Patrimoine/pages/Chateau%20du%20Carre.html (sources à recouper : les Archives ci-dessus donnent un autre prénom à la 2ème épouse de Joseph Graffion)
17- Archives Départementales de Savoie : Registres Ste Hélène du Lac naissances (registre 1616-1788 - cote 4E1433 p.198)
18- Archives Départementales de Savoie : Registres Ste Hélène du Lac décès (registre 1726-1837 - cote 4E1441 p.65)
Bibliographie
La Combe de Savoie autrefois, Maurice Messiez, Ed. La Fontaine de Siloe
Sur l'élévation des Graffion, voir aussi page 601 note 47; sur la vigueur (!) avec laquelle leurs gens conduisirent leur rénovation de fief en 1738, voir page 829 in La Savoie au XVIIIe siècle Jean Nicolas (La Fontaine de Siloe 2003)
Pour les chercheurs : ressources à explorer
Archives départementales de Savoie
SA 142. Province de Maurienne : La Chambre (suite).
Avis du comte de Rossi de Tonengue, procureur général, sur la requête présentée par le marquis de Cagnol de La Chambre et par les communautes de La Chambre, Saint- Avre, Saint-Martin-sur-La-Chambre, Notre-Dame de-Cruet et des Chavannes pour obtenir l’approbation du contrat d’affranchissement passé en faveur de ces communautes (1770).