Écoles

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Lorsque la Loi rend l'Instruction publique, laïque, obligatoire (1881, 1882, 1886)1, et organise Écoles et Formation des maîtres, les populations savoyardes ont déjà une pratique de l'Instruction: beaucoup savent lire, écrire, au moins un peu.

On voit d'ailleurs dans les Registres des Notaires dès le XVIIIe siècle, l'évolution rapide de la rubrique finale: Untel et Untel ont signé, les autres ne l'ont pu, ne sachant (ou "étant illettrés").
(En 1726, lors d'une réunion des "Communiers", sur une cinquantaine d'hommes présents, seuls 9 peuvent signer.)

Des écoles dans les villages dès le XVIIIe siècle2
Avant l'instauration de l'Instruction publique, on relève l'intervention de divers prêtres et particuliers en faveur des habitants : ils lèguent un capital, dont la rente permettra de couvrir au moins en partie le salaire d'un maître. Reste à trouver un local, souvent une maison donnée par un particulier.

À CHAMOUX…
Rd Jean-Baptiste Durieux, natif de Lanslebourg, doyen de la collégiale de Sainte-Anne-de-Chamoux, prieur de la Corbière, seigneur de Saint-Pierre-de-Belleville, a laissé, en 1790, par testament, Mollot notaire, la somme de 4000 livres pour l'établissement d'une école qui se tiendrait à Chamoux, depuis la Toussaint jusqu'à Pâques.
voir 1791 : Chamoux accepte le legs du curé Durieux pour une école... l'hiver.

 

Remarque : le Rd Durieux, ancien curé de Bonneval pendant un an en 1717, léguait à cette paroisse un autre capital de 935 livres, produisant la rente de 41 livres 18 sols par son testament du 30 décembre 1737, pour tenir une école.

CHAMPLAURENT
«Par son testament du 26 juin 1788, Ducoudray notaire à Chambéry, Rd Amédée Baroz, de Lanslebourg, curé à Champlaurent, du 16 décembre 1757 à la fin de juin 171, mort curé à Hauteville, nous légua pour l'établissement d'une école, sans distinction de sexe, deux capitaux, l'un de 336 livres chez Jean feu Barthélemy Dimier et l'autre de 360 livres chez Jean-Claude feu Joseph Aguettaz, tous deux nés et domiciliés à Champlaurent. Ces deux capitaux sont parvenus au Rd testateur du chef de Rd Jean-Baptiste Baroz, son oncle, en son vivant curé de Villard-Léger, par son testament du 22 février 1768, Me Perret.
« En nous faisant ce don, Rd Amédée Baroz ajouta que, si les intérèts de ces capitaux étaient insuffisants pour le salaire d'un maître, il entendait qu'ils fussent distribués aux pauvres de la paroisse, annuellement et perpétuellement, sous la direction du curé et du conseil.
« Malgré cette clause, la fondation a toujours reçu sa première destination. Le public intelligent a compris que la rente seule de ces deux capitaux a été de tout temps un salaire insuffisant; aussi, avant notre annexion à la France, y suppléait-il par des cadeaux en comestibles.»

Notice sur la paroisse de Champlaurent écrite vers 1860 par M. Rosaz, curé.


MONTENDRY
Par son testament en date du 19 février 1754, Michel Charbonnier fait un legs pour l'établissement d'un vicaire chargé, en même temps que de la desserte religieuse, « d'enseigner gratis tous les enfants de la paroisse qui se présenteront à lui »
.

Mais qu'est-il resté de ces écoles-là, dans les temps agités de la Révolution ?

Le Livre des Recettes de La Rochette pour l'an 3, qui gère les domaines nationaux d'ancienne origine provenant en particulier des Biens du ci-devant Clergé (Lois des mars et 12 septembre 1791), enregistre:

Plus douze cents livres en capital et cinquante deux livres un sol pour intérêts pour le payement de la rente passée sous la clause solidaire par lesdits Jean Antoine Valliend, Jean-Baptiste et Claude Geoffrey, en faveur de Jean-Baptiste Durieux, ci-devant curé de Chamoux, par acte du 10 (?) mars 1785, Perret notaire ; laquelle rente a été léguée à l'école de Chamoux par ledit Durieux à forme de ses codicilles des 26 novembre 1788 et 28 avil 1789, Mollot notaire.3

Les écoles à Chamoux avant 1860

Une école de garçons devait fonctionner à Chamoux, avant 1840.

En 1838, Dame Marie Jeyme institue la Fabrique ecclésiastique de Chamoux son héritière par testament : à sa charge d'établir au chef-lieu de cette paroisse une école pour l'éducation des filles de la paroisse dirigée par les sœurs de St Joseph ; la fabrique ecclésiastique accepte la succession et achète une maison qu’elle fait réparer, et le clos contigu, grâce au legs ((voir "Écoles / Textes à l'appui 1839" ci-contre)"
Petit problème :  déjà endettés par les travaux de l'église, les fabriciens n'ont plus de réserves pour assurer l'entretien de l'école ; elle se tourne vers le Conseil communal. (voir "Écoles / Textes à l'appui 1856" ci-contre)

L'ancienne école des filles, au Clos des sœurs St Joseph - photo A.D. / CCA

Les sœurs de St Joseph sont installées le 4 décembre 1839.
Leur traitement est fixé à 800 Livres. Il est formé :
1°) de 120 L., produit du clos,
2°) de 40 L. payés par les administrateurs des revenus des écoles,
3°) de 640 L, produit des rétributions des élèves »
Et l’évêque en Visite observe : « cette dernière somme est trop élevée pour qu'elle puisse être régulièrement payée par les élèves ; nous désirons vivement que le Conseil communal (…) allouera une somme de 200 L. en déduction des rétributions des élèves.»4

Six ans plus tard, "Dès 1839, l’école de filles est dirigée par les sœurs de St Joseph (…).
Le traitement des Révérendes sœurs fixé à 800 L, est formé :
1°) de 120 L. produit du clos contigu à la maison
2°) de 100 L. payé par la commune
3°) de 55 L. payé par les administrateurs des revenus de l’école
4°) de 525 L., somme à laquelle devrait s’élever la rétribution des élèves :
L’évêque en visite observe à nouveau : « cette [rétribution] est trop élevée pour qu’elle puisse être régulièrement payée, il serait à désirer que le conseil communal augmente l’allocation en faveur de cet établissement.»
5

Avant 1860 il existait donc déjà une école de garçons et une école de filles au Chef-lieu ainsi qu’une école aux hameaux de Villardizier et de Berre.

A l’époque, le chauffage des classes et de l’appartement des instituteurs était à la charge des parents d’élèves. En 1862, d’importants travaux financés par la commune seront réalisés à l’école de filles, dont la création de lieux d’aisance à l’extérieur. (Pour l’anecdote, l’école de garçons, bénéficiera quant à elle de cette modernité en 1871.) 6

Les écoles à Chamoux  après 1860

En 1860, la Savoie est devenue française. Où en est l’école à Chamoux ?

La Commune de Chamoux possède deux écoles annuelles. (Précision intéressante, car longtemps, beaucoup de petites écoles rurales n’ont fonctionné que durant la « morte-saison » ; le maître lui-même retournait-il aux champs ?)

L’École des garçons, confiée à deux instituteurs laïques, mariés (traitements, 1200 et… 800 F), est fréquentée par 135 enfants environ.

L’École de filles, établie à Chamoux depuis 1839, est confiée aux sœurs de St Joseph, qui sont reconnues en qualité d’institutrices publiques depuis le 1er janvier 1877. Les sœurs sont au nombre de 5, et tiennent trois classes, plus une classe libre (1200 Livres plus la jouissance d’un clos appartenant à la Fabrique).
Les deux écoles sont gratuites depuis le 1er septembre 1877.7

En 1869, l’école de Berre est supprimée, malgré une pétition des habitants, à la demande de l’inspecteur de l’éducation, au motif que l’école a été illégalement ouverte par un instituteur, originaire de l’Isère, révoqué depuis 1862.
- les frais de chauffage alors répartis pour moitié entre la commune et les familles des élèves payants ont été cette année là, pour chaque partie, de 90 Francs.6

En juin 1873, un rapport de l'Inspection primaire constate :
"Une division entière - plus de 40 petites filles - sont condamnées à perdre une grande partie de leur temps parce qu'elles ne peuvent être placées que sur de petits bancs très malcommodes d'ailleurs.
D'un autre côté, la maîtresse de la 1ere division manque de tout le matériel nécessaire pour enseigner utilement l'arithmétique, la géographie, et le systèeme métrique
".
Le 16 févrrier 1873, le Conseil municipal avait pourtant voté des crédits pour 7 tables à 35F, 4 cartes de géographie à 9F, 4 tableaux noirs à 12F ; mesures métriques : 31F. Soit : 363,F. La Commune demande une subvention de 200F : elle en obtiendra 150.
Le 10 mai 1874, le Conseil vote l'achat de 5 crucifix (30F), et de 2 bouliers compteurs (2x15). Soit 60F, et 40F pour les chenaux de toit côté jardin. Une demande de subvention de 50F est déposée.10

1881, l’École de Jules Ferry, laïque, gratuite, obligatoire ?

En 1882, un terrain de 34 ares est acheté au «Grand Champ», emplacement de l’école actuelle, pour la construction d’une école primaire et supérieure pour les garçons qui comprendra 6 classes…
Un bâtiment annexe indépendant à 2 étages, est également prévu pour servir de logement aux instituteurs. L’ensemble  sera terminé en 1886.

L'École "de garçons" de Chamoux
L'école de garçons au début du XXe siècle (architecte Lathoud)
 

Côté filles… le traitement des institutrices congréganistes est alors de 700 F annuels pour la titulaire et de 500 F pour l’auxiliaire, mais… les institutrices religieuses avaient également un clos à leur disposition, leur permettant de tenir une vache ! 6

Le Certificat d'Études
Le Certificat d'Études, et surtout, l'orthographe, ont causé bien du souci aux enfants de France : à Chamoux, en 1882, sur les 14 candidats du canton, 7 ont été refusés, dont 6… pour un zéro (éliminatoire) en dictée.
"L'examen du Certificat d'Études devient de plus en plus difficile : les élèves rebutés une première fois ne veulent plus se représenter ": en 1883, à la demande de M. Métraux, le Conseil vote un Prix de 10F à tout élève qui aura subi avec succès son examen! Coïncidence ? En 1884, les 29 candidats et les 24 candidates sont tous admis !
Cependant, au cours des années suivantes, on retrouve des échecs pour un zéro en dictée.
Ah ! L'orthographe !
9

1902, les filles aussi !

En 1902, l’école de filles est laïcisée : on diviClasse de Mme Baillarjon, 1929. Photo M. Tardy/CCAsera alors l’école de garçons en 2 :
- d’une part, 2 classes réservées aux garçons relevant du primaire et une pour le cours complémentaire mixte,
- et d’autre part, 2 classes pour les filles relevant du primaire et une pour une classe enfantine mixte.
Cour et préau seront séparés par une cloison en bois communiquant par une porte. Un escalier reliant la cour au préau est également construit : celui-là même que chacun peut encore utiliser.6
 

École et cours complémentaire 8

"Dès la fin du 19ème siècle, les populations paysannes pensaient que l'instruction pourrait améliorer le sort de leurs enfants, surtout si elle était sanctionnée par un examen accessible aux bons élèves.
En Savoie, le premier certificat d'études eut lieu en 1873, mais peut-être pas dans tous les cantons.
Au début, les candidats aptes à s'y présenter étaient peu nombreux. Il y avait beaucoup d'échecs, surtout à cause de l'orthographe où cinq fautes amenaient un zéro éliminatoire.
À Chamoux, pour encourager les jeunes à se présenter au certificat d'études, le Conseil municipal vota un crédit allouant la somme de dix francs à tous ceux qui réussiraient à l'examen. De son côté, l'instituteur chargé de ce cours insista sur l'orthographe, principale cause d'échec. Il donnait un sou à celui qui avait zéro faute à sa dictée d'une page. Progressivement, les candidats furent plus nombreux. Leur âge allait de 11 à 15 ans, parfois plus.

La gratuité scolaire, à partir de 1881, améliora certainement la fréquentation de l'école, mais bientôt on pensa que cette instruction devait être consolidée. Sous l'impulsion de Jean François Mamy, notaire à Villard Dizier et maire de Chamoux, le Conseil municipal fit signer à tous les chefs de famille une pétition pour demander un cours complémentaire pour tout le canton, cours gratuit comme l'école primaire. La pétition eut un beau succès au moins à Villard Dizier. Le cours complémentaire fut accordé en 1889: il fonctionnerait à Chamoux avec comme maître Monsieur Curtet.

Pour être admis au cours complémentaire, il fallait avoir été reçu au certificat d'études primaires. Ceux qui avaient des aptitudes pourraient se présenter au brevet élémentaire qui ouvrait la voie à certains emplois ou au concours d'entrée à l'Ecole Normale qui permettait de devenir instituteur. C'était une aubaine pour les jeunes, en particulier pour ceux de la commune de Chamoux qui habitaient sur place. Affluèrent aussi de tout le canton des élèves qui arrivaient à pied avec leur repas de midi dans un panier et qui rentraient le soir chez eux.
Ceux qui avaient moins "bonne tête", comme on disait à cette époque, ou qui pensaient rester cultivateurs comme leurs parents, ne fréquentaient le cours complémentaire que l'hiver; mais ils y apprenaient des choses fort utiles pour leur futur métier: cubage des bois, notions d'arpentage, etc.. Pour ceux qui n'avaient pas obtenu le certificat d'études ou qui voulaient compléter leur instruction tout en travaillant, existaient des cours du soir dits cours d'adultes, dirigés par un instituteur.
En 1901, Monsieur Henry arriva à Chamoux pour remplacer au cours complémentaire Monsieur Curtet nommé à Yenne.

Madame Henry devint directrice de l'école de filles, chargée du cours moyen pour les filles de la commune et d'un cours supérieur qui recevait, si elles le souhaitaient, toutes les filles du canton munies du certificat d'études.
Après bien des démarches auprès de l'administration, les filles qui avaient suivi le cours supérieur purent passer au cours complémentaire de garçons. L'hiver, le nombre de garçons y était dominant, mais ceux qui voulaient rester dans l'agriculture quittaient l'école à Pâques, tandis que les autres et surtout les filles continuaient toute l'année, espérant passer le brevet élémentaire et se faire une situation dans un bureau.

Classe de 6e du Cours Complémentaire (M. Mme Maître) - Document M. Tournafond/CCALe cours complémentaire fut une chance pour la population.
Seul un fils resterait à la terre, les autres enfants pourraient continuer leurs études et ainsi avoir d'autres débouchés, à une époque où l'instruction était encore rare dans les campagnes.

Pour les filles, il y eut aussi un cours d'adultes le jeudi matin en hiver, tenu à tour de rôle par chacune des trois institutrices.

Ce cours était destiné à compléter l'instruction des filles en enseignement ménager, couture, crochet pour les vêtements en laine, parce que jusque là on ne tricotait que bas et chaussettes.
Surtout on voulait nous apprendre la dentelle et la broderie, nos mères dans ce rayon ne connaissant que le point de croix. On fit de la dentelle au crochet et à l'aiguille. La commune commanda à un menuisier local un certain nombre de tambours qui servaient à tendre le tissu pour la dentelle de Venise, en grande vogue à cette époque dans les milieux bourgeois. On apprit aussi à faire une autre sorte de dentelle, la frivolité, qui utilisait une ou deux navettes suivant l'importance du résultat à obtenir.
Ces cours eurent un grand succès auprès des filles de Chamoux qui fréquentaient le cours complémentaire, mais un peu moins chez celles qui avaient quitté l'école et qui devaient traire les vaches ou faire la lessive même en hiver
."

Léonie Francaz

On s’est rappelé le nom de quelques instituteurs :

1889 :         M. Curtet (CC).
1901 :         M. Henry (CC) et Mme Henry (Primaire)

vers 1929 :  Mme Baillarjon

après 1945 : Melle Feuillebois,
M. Maître (CC) et Mme Maître (Primaire)
M. Gachet et Mme Gachet (Primaire)
 

A.Dh.


Sources bibliographiques
1- Sur les Lois fondant l'École publique, laïque, obligatoire, voir http://www.education.gouv.fr/cid194/les-textes-fondateurs.html
2- Gallica : Travaux de la Société d'Histoire de Maurienne 1911 (SER2,T5)-1914.  p.270 etc
3-
AD Savoie 1Q 1123
4- Visite pastorale de 1844 à Chamoux  - Archives de l’Évêché de Maurienne
5-
Visite pastorale de 1850 à Chamoux  - Archives de l’Évêché de Maurienne
6-
Sources : Elisa Compain de Villardizier, René Aguettaz (discours pour l'inauguration de l'école mat. 2006)
7-
Visite pastorale de 1878 à Chamoux  - Archives de l’Évêché de Maurienne
8- Souvenirs de Léonie Francaz dans Autrefois...Chamoux
9- ADS 2 O 1008 et 8 T1 (Recherche Elisa Compain)
10-
ADS 2 O 2 (Recherche Elisa Compain)