Nonnes dispersées

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La Révolution au Betton

Que deviennent les religieuses ?

Elles vont quitter l’abbaye, dont tous les biens passent à la nation, leur dot initiale comprise ; mais elles recevront en principe un « traitement », qui semble aligné pour tous les religieux quel que soit leur ordre : 700 livres par an pour les profès ; mais 350 livres par an pour que les convers : l’égalité sociale n’est donc pas de mise en ces temps révolutionnaires ? Et ce revenu est mince…

« Vu la pétition de la citoyenne Mariette Charbonneaux ci-devant religieuse au courant du Betton, renvoyée à cette administration pour annotation signée Lacombe, ladite pétition tend à obtenir le revenu annuel de 2800 livres, monnaie ci-devant Savoie qu’elle a constitué au ci-devant couvent du Betton lors de son entrée en religion, outre la somme de 1200 livres pour sa dot spirituelle ainsi qu’il est porté dans l’acte du 20 novembre 1780, Mollot notaire.
Il résulte des informations transmises que les citoyens Bertolus et Puget, commissaires nommés par le [revêtissement??] l’inventaire du couvent du Betton, que la dot de chaque individu lors de son entrée en religion était généralement fixée à 1260 livres ; et lorsqu’une somme plus considérable était livrée, la maison payait une pension viagère en raison du capital qui se trouvait acquis au couvent par le décès de la religieuse. Suivant cet usage, on voit clairement que la pétitionnaire a passé avec le couvent une rente viagère distincte de sa dot ; et si elle était réduite au traitement des autres religieuses, Elle n’aurait aucun [correspectif ?] de la plus ample somme qu’elle a constituée; et la Nation ferait à son préjudice le bénéfice du capital et des annuités stipulées audit acte.
Le district ouï le P.S. est conséquemment d’avis que le contrat Mollot notaire doit être observé quant à la pension viagère, et qu’il doit être payé annuellement à la pétitionnaire, outre son traitement de religieuse, la somme de 120 livres, monnaie de la république.
»
1793 - AD073 cote L 1768 - F°130

Septembre 1793

« Sur la pétition de la citoyenne Geneviève [La Noye], ci-devant religieuse à l'abbaye du Betton, le District, ouï le P. sindic, dit qu’il lui sera expédié mandat parle le trésorier de district de la somme de 175 livres pour le premier quartier de son traitement commencé le 8 juin, dernier jour de la sortie dudit couvent »
1793 - AD073 cote L 1768 - F°205

« Vue la pétition des citoyennes Jacqueline Franc. D’hauterive et Marie Antoinette Mollot, la première ci-devant religieuse de chœur et la seconde Sœur converse du ci-devant couvent du Betton, tend à obtenir le traitement qui leur est dû pour deux quartiers, dont l’un échu le 6 du mois, et l’autre en avance de cette époque ; ladite pétition renvoyée à cette administration par le département par annotation … au dos, date de ce jour, signée Ducoudray, pour être pourvu conformément à la Loi.
Le district, ouï le P. S. arrête qu’il sera délivré mandat sur le trésorier du district à la citoyenne D’hauterive pour deux quartiers de son traitement, dont l’un échu au six de ce mois et l’autre commencé à cette date à raison de 700 £ par an de la somme de 350 £ ; et à la citoyenne Mollot aussi pour deux quartiers à raison de 350 livres par an, de la somme de 175 £.
»
1793 - AD073 cote L 1768  - F° …
M.Antoinette Mollot  converse est entrée en religion le 17 déc 1769 - Ladou not

« du 14 septembre
Sur la pétition verbale de la citoyenne Marie Françoise Charbonnaud native d’Aiguebelle, ci-devant religieuse de l’abbaye du Betton, tendant à ce qu’il lui accordé mandat de la somme de 175 livres pour le second quartier de son traitement commencé le 6 du présent mois,
Le District ouï le P.S. arrête qui lui sera délivré mandat de la somme de 175 £ pour le second quartier de son traitement à raison de 700 £ l’année, commencé le 6 du présent mois à la citoyenne Françoise Charbonnaud selon sa demande
»
1793 - AD073 cote L 1768  - F°276

Cependant, l’argent de la Nation n’est pas distribué sans conditions.

« Séance du Conseil général du département du Mont-Blanc du 6 juin 1793, l’an 2 de la République française
Sur la motion d’un membre, le conseil général arrête que toutes les religieuses seront obligées, pour percevoir leur traitement, d’exhiber un certificat de civisme en forme légale
»
1793 - AD073 cote L 24  - F°…

Et bientôt, alors que la religion n’était pas encore poursuivie en tant que telle, on s’est inquiété de l’utilité des religieux. 9 juillet 1793 :

«Égalité, Liberté
Séance de l’administration du district en permanence du matin, 9 juillet 1793, an 2 de la République française
Le directoire du district considérant que le traitement des fonctionnaires du culte est payable par trimestre en avance dès le [15] juillet courant, arrête, ouï le P.S. que tous les curés et vicaires de ce district transmettront à ce directoire dans le terme de huit jours copie de leur verbal de prestation de serment, leur certificat de civisme et l’état de la population des communiers qu’ils desservent, certifié par chaque municipalité, pour liquider leur traitement conformément à la loi.
»
1793 - AD073  cote L 1767  - F°286

Par ailleurs, quand elles entraient au couvent, les religieuses pouvaient apporter avec elles quelques effets, objets et meubles personnels :

« Sur la pétition des religieuses de la ci-devant abbaye du Betton, le Conseil général, ouï le rapport du 2d Bureau et l’avis du Pr Gal sindic, arrête qu’il est loisible aux pétitionnaires de disposer en conformité de la loi du mobilier de leurs cellules et les effets qui auraient été à leur usage personnel exclusivement ; le tout quoi sera vérifié en présence de la municipalité du lieu. »
1793 - AD073 cote L 24  - F°…

Et puis elles sont parties…

« La citoyenne Marie Beaumond, native de cette ville, ci-devant religieuse de l’abbaye du Betton, logée dès sa sortie du couvent chez la citoyenne La Noye à Bissy, déclare vouloir se retirer dans la commune de Thone, district de Carrouge, auprès de Claude-Maurice Beaumond son frère qui est venu la prendre pour l’emmener auprès de lui.
L’administration du district ouï le rapport de ladite pétition et le P. S., après s’être assuré de l’identité de la personne de la pétitionnaire par le dire du citoyen Beaumond son frère et du citoyen Pierre Bertrand qui ont signé ladite pétition, accorde acte à ladite Beaumont de sa déclaration, autorise la municipalité de cette ville de lui accorder passeport pour se rendre audit lieu de Thone et arrête que ladite pétition sera insérée au registre.
»
1793 - AD073 cote L 1767  - F°147

Les cisterciens ont quitté la Combe. Les religieux ont-ils rejoint d’autres couvents, ou d’autres ordres après la période révolutionnaire ?

Juillet 1793
Le document ne dit pas à quel ordre religieux appartenait « la citoyenne Roberti ». Mais les Roberty vivaient à Ste-Hélène du Lac, l’abbaye avait déjà accueilli une des leurs ; une autre demoiselle Roberty épousa J. Graffion devenu veuf, entrant dans la longue série de seigneurs et dames du château de Chamoux.
Le cas de cette "citoyenne" nous intéresse aussi parce qu’il montre les limites de la bienveillance des autorités : à demande de traitement de faveur, réponse cinglante.

« La citoyenne Roberti demande une augmentation de traitement et dit que celui que la loi accorde aux religieuses n’est pas suffisant, eu égard aux infirmités donct elle est accablée, et à la quantité de remèdes qu’elle est obligée de prendre.
Le district ouï le P.S. est d’avis de passer à l’ordre du jour susdit ladite pétition, sauf à la pétitionnaire à s’adresser à la municipalité de cette ville pour demander une place à l’Hôtel-Dieu ou aux Incurables, où elle aura à meilleur marché les remèdes et soins qu’exige son état de maladie
. »
1793 - AD073 cote L 1767  - F°329

Septembre 1798
En revanche, Rose Charlotte Platzaert, ancienne religieuse du Betton, sans ressource depuis 2 ans, fut moins exigente... et mieux reçue: elle avait dû trouver les mots qu'il fallait !

À l’Administration municipale du canton de Chamoux
Rose-Charlotte Platzaert, octogénaire, née à Turin, habitant actuellement Haute-ville, étant actuellement sans aucune espèce de ressource pour subsister, depuis l’évacuation du Monastère du Betton, où elle était religieuse, vu que son grand âge et ses infirmités ne lui permettent pas de travailler, et multiplient ses besoins, et qu’elle n’a rien touché de sa pension depuis le dernier semestre de l’an 4, désire se retirer en Piémont au sein de sa famille, pour trouver les secours indispensables pour soutenir les derniers moments de sa malheureuse existence : elle ne doute pas que la permission lui en soit accordée, eu égard à ce que les circonstances ne permettent pas de lui supposer de vue contre-révolutionnaire, et que son séjour dans la République n’y entretient qu’une bouche inutile sous tous les rapports : elle vous invite en conséquence à lui donner votre avis favorable sur sa demande, à l’effet qu’elle puisse obtenir de l’administration centrale le passeport dont elle a besoin pour elle et sa servante.
Rose Charlotte Platzaert

Extrait de permission       
Séance de l’administration municipale du canton de Chamoux du quatrième jour complémentaire an six * de la République française, une, indivisible.
Le quatrième jour complémentaire an six, l’administration municipale de Chamoux sur la pétition verbale de Rose Charlotte Platzaert native de Turin, ci-devant religieuse de l’abbaye du Betton,  habitante à Hauteville canton de Chamoux tendante à avoir une permission de se retirer au sein de sa famille en Piémont vu qu’elle n’a aucun moyen d’exister dans ce pays, n’ayant rien touché de la pension dès le dernier semestre de l’an quatre, qu’étant octogénaire, son séjour dans la République n’y entretient qu’une bouchée inutile surtout les rapports, demande un avis favorable de cette administration pour pouvoir se procurer un passeport de l’administration centrale, l’administration après avoir vu le commissaire du pouvoir exécutif et de son avis, déclare que les motifs ci-devant allégué par la pétitionnaire sont vrais, que son départ pour le Piémont ne peut être dicté que par la nécessité de s’achever une existence honnête chez ses parents sur ses vieux jours et qu’il ne peut rien avoir de contraire à l’ordre ; qu’elle est en conséquence d’avis que la permission par elle demandée lui soit accordée.
Ainsi délibéré les an et jour jsusdits.

* 20 septembre 1798
1798. AD073 cote L 1966

 

Et le temps passa…
Le 22 février 1830, Noble Victor Chollet baron Dubourget demande au Sénat l'ouverture du testament de sa tante, Caroline Chollet du Bourget, fille de Gaspard Chollet baron du Bourget et dame de Rochefort, Religieuse du Betton, décédée le 16 février 1830 ; elle y avait fait déposer ce testament le 4 avril 1829, en remplacement d'un acte précédent du 28 octobre 1825.
Caroline Marie-Françoise Chollet Dubourget "de Chambéry", âgée de 80 ans, malvoyante et en mauvaise santé, avait dicté ses dernières volontés à un notaire confident, dans son appartement qui comprenait un corridor, un petit salon; elle avait une domestique, assistée quelques heures par une fille de peine ; elle léguait des robes de soie, quelques bijoux en or, cent livres pour dire des messes ; le principal allait à son neveu Victor.
Il semble donc qu'ayant quitté le Betton à 43 ans, elle n'avait pas repris le chemin d'un couvent après la tempête révolutionnaire, et jouissait d'une petite aisance.
AD073 cote 6 Fs 159 Testament Chollet

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janv-fév. 2020 Recherche et transcription ADh