Charles-Amédée Bois

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Charles-Amédée Bois : portrait d'un curé… dynamique

Curé de Chamoux de 1825 à 1864…  au moins :
Né à St André le 8 août 1798, ordonné prêtre dès le 16 juin 1821, il est archiprêtre recteur de Chamoux depuis le 13 octobre 1825.
On le voit encore à son poste dans la Visite pastorale de 1864. Mais il ne l'a probablement quitté qu'en 1869, à l'arrivée du curé Émery.

En 1843, un vicaire lui est adjoint: la population ne cesse d'augmenter.

Forte figure de la vie locale, il va beaucoup faire pour la beauté de l'église.
Il va aussi se faire remarquer par son comportement… particulier !

L'enrichissement de la décoration de l'église.

Deux ans après avoir pris ses fonctions à Chamoux, il reçoit les compliments de l'évêque (VP 2827) : l'église est bien tenue, les enfants ont été convenablement instruits.

Déjà, en 1824, son prédécesseur avait fait blanchir l'église, construire un autel pour la chapelle du Rosaire.
Mais le curé Bois, qui anime par ailleurs le Conseil de Fabrique, va inlassablement œuvrer pour l'église.

1831- érection d'un nouvel autel pour la Confrérie du Rosaire par le Valsesian Giuseppe Gilardi1
1833- Claude-Joseph Barandier crée un tableau pour ce retable : « Remise du Rosaire à St Dominique par la Vierge et du Scapulaire à Ste Catherine de Sienne par l'Enfant » (tableau aujourd'hui inscrit aux Monuments Historiques)
1844- Un autel est annoncé pour la chapelle St-Joseph (Confrérie du St-Sacrement): ce sont les Gilardi qui le réaliseront
date non précisée : Jacques Guille peint une Sainte Famille rentrant d’Égypte pour ce retable (tableau aujourd'hui inscrit aux Monuments Historiques)
1847- l'évêque demandait depuis plusieurs années que l'église soit reblanchie : Charles-Amédée Bois va faire plus, et commande un ensemble de décorations aux peintres-fresquistes valsesians Avondo.
Mais "la marbrure du rétable du maître-autel (en stuc) a presque entièrement disparu" : dommage pour cette église parmi "les plus belles" du diocèse ! (VP  1850)
1854-55- réalisation d'un nouveau maître-autel en bois doré, toujours par Gilardi.

À ces travaux s'ajoutent divers achats (chasubles, pièces d'argenterie pour le culte dont certaines sont aujourd'hui inscrites aux Monuments Historiques…)

L'école

À la fin du XVIIIe siècle, le curé Durieux avait légué une somme pour l'instruction des garçons l'hiver.
Dans les années 1830, un legs pieux de la Veuve Jayme avait engagé Chamoux dans la création d'une école de filles, à confier à des religieuses de St Joseph. Ce legs liait savamment la commune et la fabrique.
Le Curé, en raison de sa position dans le Conseil de fabrique, était forcément impliqué. Mais le Conseil de la commune semble avoir été l'élément moteur, ne serait-ce que parce qu'il fallut… contribuer financièrement, les legs ne suffisant pas à faire vivre les écoles.

Un prêtre engagé

Charles-Amédée Bois prenait aussi le temps d'opérer des conversions dans le camp protestant, et… on le faisait savoir dans le Courrier des Alpes, journal bien-pensant.

"Le Courrier des Alpes, 26 octobre 1847
Chamoux, 20 octobre
Une imposante cérémonie a eu lieu, dimanche 17 du courant, dans l'église de Chamoux.
Un jeune suisse du canton de Glaris, âgé de 19 ans, instruit par les soins charitables et éclairés de M. Bois, archiprêtre et curé de Chamoux, a abjuré solennellement la religion protestante. Après le Veni Creator, l'intéressant catéchumène a fait sa profession de foi entre les mains de M. Bois, délégué à cet effet par l'illustre prélat du diocèse de Maurienne, et a été tenu sur les fonts baptismaux par M..l'abbé Charles Francoz, vicaire de Chamoux, et Mme Elisa Perrier, née de Laconnay-du-Foug.
Le jeune néophyte a pris ensuite la place qui lui avait été désignée pour entendre la grand'messe paroissiale, qui a été célébrée avec pompe et magnificence.
M. Bois, dans une touchante improvisation, a retracé avec bonheur les circonstances que la Providence avait fait naître pour ramener dans le bercail une brebis égarée, puis il a développé, avec un admirable talent, le texte de la divinité de la religion catholique romaine par l'unité qui la distingue de toutes les sectes et qui est fondée sur l'infaillibilité et la charité.
Plusieurs ecclésiastiques et un immense concours de fidèles accourus des environs pour être témoins de cette cérémonie, ont exprimé par leur religieux recueillement ce beau sentiment de charité :
Ecce quant bonum, et quam jucundum, hubitare fratres in unum. ( Psalm. CXXXII ).
Qu'il est doux d'embrasser dans l'unité d'une même foi, et dans les sentiments d'une charité fraternelle, celui que ses erreurs tenaient éloigné de la famille catholique !
     (Article communiqué)"

 

Une forte tête ?

Mais… toutes les visites pastorales réclament des travaux dans la sacristie, petite, sale, et surtout, lézardée ; pour cela en revanche, il faudra attendre... 160 ans ?
Et le respect des règles concernant le cimetière n'embarrasse guère notre curé : pas de carré pour les enfants morts en bas âge, pas de portillon, les animaux divaguent entre les tombes, etc.

Scandale
Et aussi... considérant que le niveau des terres est vraiment trop monté dans le cimetière qui cerne l'église, le curé Bois... fait décaisser l'enclos, et vend la terre à des paysans.

Février 1851. Constat du Syndic alerté par le Juge :

"nous nous sommes transporté d'abord sur le cimetière de cette commune où nous avons soigneusement fait recueillir tous les ossements et débris mis à découvert par le travail que M. le curé de cette paroisse y a fait exécuter pour baisser le niveau du cimetière".
Puis : "Nous nous sommes transporté sur divers champs où l'on nous a dit que la terre enlevée du cimetière avait été charriée. Et de nos recherches il nous est résulté que l'on a mis tout le soin possible pour ne pas enlever d'ossements avec la terre, mais nous avons été convaincus par cette inspection que malgré les soins que l'on a pu et dû mettre pour séparer les ossements de la terre, il a été impossible de ne laisser aucun débris appartenant aux cadavres qui ont été inhumés dans cette même terre"

Scandale, et crise :

"Attendu que l'enlèvement et la vente et trafic qu'a fait de cette terre le Rd recteur de cette paroisse, a excité l'indignation générale dans cette commune", "toute la terre qui a été enlevée du cimetière y sera restituée aux frais de qui il appartiendra, d'après décision du tribunal de première instance." (avril 1851)

En découle une période de tension.

Au printemps 1852, le curé s'absente, sans autres explications, laissant sa paroisse aux bons soins de son vicaire. Le Conseil de la Commune s'intérroge ; reviendra-t-il ? Sera-t-il remplacé ? Certains Conseillers le souhaitent; le village commence à se diviser, une bonne partie de la population lui a retiré sa confiance. En attendant, "Il est arrêté par neuf voix contre quatre qu'il ne sera payé aucun traitement à M. le Curé pendant la durée de son absence." Car à l'époque, le curé est payé par la commune.

Mais il reparaît mi-juin, et… son retour manque de discrétion.

Bravade
Le Syndic J.B. Plaisance fait le point devant le Conseil:

"Vous savez que le soir du retour de M. le Recteur, quelques personnes qui s'intitulent pieuses mais qui devraient plutôt se dire passionnées ont dressé un petit échafaudage devant le Presbytère tout près du lieu où l'enlèvement de la terre du cimetière a eu lieu, et que vers les neuf heures du soir elles ont illuminé cet échafaudage en chantant et dansant. Lors même qu'il ne serait pas notoire que cette manifestation avait tout le caractère d'une bravade, il n'est nullement douteux qu'il était convenable pour le Recteur ne pas laisser faire, dans la crainte qu'elle ne fût prise pour une provocation.
Mais le Recteur n'a pas eu cette crainte et loin de s'opposer à cette manifestation, il l'a certainement approuvée s'il ne l'a pas commandée. Car je sais d'une manière positive que les chandelles de illuminations étaient des restes de chandelles ayant auparavant servi dans l'église ; c'est par conséquent le Presbytère que les a fournies.
Vous avez entendu pendant la durée de cette illumination des détonations d'armes à feu ; eh bien, pourtant, j'avais formellement refusé la permission que l'on avait demandée trois fois dans la journée pour tirer les pétards. On ne l'ignorait pas au Presbytère, et pourtant c'est du Presbytère même que sont partis les coups de feu
."

Puis les tensions semblent s'être calmées, et les travaux ont repris dans l'église.


Sources
Archives de l'Évêché de Maurienne, Bibliothèque diocésaine. Fonds Chamoux - Registre « Fondations » Feuillet libre 1831
Délibérations du Conseil de Chamoux 1852
Le Moniteur des Alpes, ADS en ligne