Saint-Martin de Chamoux, église, prieuré, et dépendances
sommaire
L'abbaye de Saint-Rambert en Bugey
Fondation : avant 1191
15e siècle : « la grande catastrophe »
Nourritures célestes… et terrestres : des soucis très terre-à-terre
XVIe siècle. La Contre-Réforme
XVIIe et XVIIIe siècle : encore des questions très matérielles… et des procès
Mais l'église aussi se dégrade… Le temps des reconstructions
Déliquescence d'un Prieuré
Fin du Prieuré. La Révolution à Chamoux
L'abbaye de Saint-Rambert, fondée au Ve siècle
Pour raconter l’histoire du Prieuré de Chamoux, il nous faut faire un détour par le Bugey, et l’abbaye St-Rambert en Bugey, dont Chamoux dépendait !
Fondée au Ve siècle, l'abbaye de Saint-Rambert, venait d'être restaurée par l'archevêque Leydrade vers l'an 807 : elle comptait alors 50 moines. En 910, l'abbaye, relevait de la juridiction de Lyon. Elle est soumise à celle de Cluny en 1138, par le pape Innocent II, mais la bulle n'eut probablement pas d'effet, car, depuis cette époque jusqu'à sa sécularisation, l’abbaye fut toujours considérée comme relevant directement du Saint-Siège.
Les privilèges de l’abbaye nous sont connus grâce à une traduction française, dressée au XVIIe siècle : dans une « bulle » de 1191, le pape Célestin III confirme tous les privilèges de l’abbaye et cite tous les lieux de sa juridiction, qui sont :
le bourg de Saint-Rambert, l’église de Chamoux, l’église Saint-Michel de Montendry, l’église Saint-Pierre de Villarléger, I’église de Villarsalé, l’église Saint-Julien de Montmajeur, l’église Sainte Marie de Granière, l’église Saint-Pierre de Sanciac, l’église Saint-Pierre d’Apremont, l’église de Saint Bardeau, l’église de Musiac, l’église Sainte-Marie de Lucs, l’église Sainte-Marie de la Porte, l’église de L’Huis, l’église de Saint-Didier, l’église de Campanieu, l’église de Saint-Pierre de Bénonces, l’église Saint-André de Tenay, l’église Saint-Maurice d’Argis, l’église Saint-Martin d’Evosges, l’église Saint-Laurent d’Oncieu, I’église Saint-Pierre d’Arandas, I’église Saint-Michel de la Roche, I’église Saint-Maurice de Conzieu, I’église Saint-Hilaire de Torcieu, l’église Saint-Martin de Cleyzieu, l’église Saint-Martin de Vaux, I’église Saint-Maurice d’Ambutrix, l’église Saint-Maurice de Mergie, l’église Saint-André de Reigneux, l’église Saint-Pierre de Villieu, l’église Sainte-Marie l’hospitalière, la chapelle Sainte-Marie-Madeleine de Loyes, l’église du bourg Saint-Christophe, l’église Saint-Vincent de Faramans, l’église de Saint-Martin de Songieu.
Vaste domaine !
A la suite de la traduction de cette bulle se trouve la traduction d’une autre bulle du pape Paul V, donnée à Rome l’an 1538, le 10 des calendes de janvier, qui est une nouvelle confirmation des privilèges et de la juridiction de l’abbaye de Saint-Rambert.
Le vallon de St-Rambert en Bugey
(près d'Ambérieu) aujourd'hui
Mais quel rapport entre le Bugey et la Combe de Savoie ? On peut au moins constater…
Parmi les plus anciens abbés connus, on note: Anthelme de Miolans d'Hurtière (1341-1361), Hugues de Mont-Mayeur (1361-1389). On remarque encore parmi leurs successeurs Urbain de Miolans, qui devint évêque de Valence et de Die : les grandes familles savoyardes plaçaient volontiers leurs rejetons à l'abbaye. Mais nous allons rencontrer bien d’autres héritiers de la Combe de Savoie à la tête de l’abbaye Saint-Rambert !
Et les Archives 6 racontent:
Une pièce nous informe d’une belle promotion pour un Prieur de Chamoux :
c’est l’annonce par les moines de Saint-Rambert, au frère Anthelme des Uretières [de Urteriis] prieur de Chamoux, de son élection à l’abbatiat, 16 janvier 1341. Notons donc que le Prieur de Chamoux était issu d’une vieille famille de la noblesse savoyarde, proche de Chamoux.
Vingt ans plus tard, cafouillage, avec l’Acte d’élection, comme abbé de Saint-Rambert, d’Hugues de Montmajeur, prieur de Saint Badulfe ; les religieux duquel prieuré ont donné leurs voix à la dite nomination faite en remplacement de l’abbé Jean de Miolans, 13 septembre 1361. Dans la même liasse, un Acte capitulaire confirme cette élection.
Or… c’était au pape de nommer l’abbé !
Le 7 février [1362], le pape entérine l’élection faite par les moines qui ignoraient ses droits ! Et une Bulle d’Innocent VI accorde ses provisions à Hugues de Montmajeur pour l’abbatiat de Saint-Rambert et le prieuré de Saint-Badulfe au diocèse de Grenoble.
Quelle fut la durée de l’abbatiat d’Hugues de Montmajeur ? En tous cas, un Claude de Montmajeur lui succède, et meurt en 1411 : le 3 novembre 1411, élection de frère Amblard du Bourg, prieur de Lhuis, comme abbé de Saint-Rambert, en remplacement de Claude de Montmajeur, décédé le 1er novembre.
L'abbaye, mise en commande au XVIe siècle, fut sécularisée en 1788. Son dernier abbé fut M. de Chantemerle, grand vicaire de Valence. Les prieurés qui en dépendaient étaient alors ceux de Lhuis, de Villiers, du Bourg-Saint-Christophe, d'Yenne, de Saint Badoulphe (Badolphe), de Méry, de Saint-André près Mions, de Saint-Martin-de-Chamou (Chamoux) et de Villars-Salet en Savoie.
En outre, un grand nombre de cures étaient « à la collation des religieux ».
Après l'abbé, l'ordre des dignitaires se composait du grand prieur, du chamarier, de l'aumônier, de l'infirmier, du sacristain, du chantre, du réfecturier, de l'ouvrier et du célerier. <
Mais une abbaye, c’est aussi un pouvoir seigneurial, des revenus financiers, des achats, des ventes, des tractations – en particulier avec le pouvoir des Comtes de Savoie. Et nous verrons que la vie de l'abbaye est aussi faite de disputes avec les églises de sa propre juridiction, qui vont jusqu'au procès !
Rentrons maintenant à Chamoux…
Saint-Martin de Chamoux, l’église, le prieuré, et ses dépendances
Fondation
On l'a vu, dans une « bulle » de 1191, le pape Célestin III confirme tous les privilèges de l’abbaye de Saint-Rambert et cite les lieux de sa juridiction, dont l’église de Chamoux : celle-ci existe donc en 1191.
A l’occasion d’un procès pour savoir à qui revenaient les dîmes de la paroisse de la Chapelle, on trouve quelques noms, dans un acte du 12 janvier 1270 7 : le notaire, Guillaume de St-Pancrace ; les témoins : Guigues, moine du prieuré de Chamoux ; Anselme, curé d'Hermillon le clerc Emidon, de St-Jean, et Pierre de la Chambre.
Cela confirme l'existence d'un prieuré à Chamoux en 1270. Et la présence de moines, outre le prieur.
15e siècle : c’est « la grande catastrophe »
Éboulement, inondation du nant de Montendry : le cloître est détruit et l'église endommagée. La chose est certaine. Ce qui l'est moins, c'est la date de la catastrophe (voir la discussion à propose du château)
Les moines seront-ils maintenus lontgtemps dans des bâtiments très endommagés ?
Les évêques effectuent de temps en temps des visites paroissiales, destinées à connaître et inspecter les lieux de cultes et ceux qui les fréquentent.
• «Au mois de juin 1446, le seigneur cardinal de Varambon, évêque de Maurienne, Louis de la Pallud [mène] ses visites pastorales. [On] le trouve le 7 à La Rochette, La Croix et Villard-Sallet le 8 à Villard-Léger, Chamoux et St. Etienne d'Aiguebelle le 9 à St. Georges et St. Alban d'Hurtières le 11 à Fontcouverte et Villarembert ; le 13 à Albiez-le-Vieux le 20 à Aussois et Modane. »
Il est de nouveau à Chamoux où il meurt au château le 21 septembre en 1451.
«On ne sait comment le cardinal se trouvait alors au château de Chamoux ; peut-être fut-il frappé en cours de visites pastorales, ou était-il allé passer quelques jours avec le propriétaire de cette seigneurie, qu'il devait avoir beaucoup connu à la cour de Savoie. C'était Jean de Seyssel, seigneur de Barjac et de La Rochette, à qui Amédée VIII l'avait vendue et inféodée, avec ses dépendances rière les paroisses de Bettonet, Bourgneuf, Montendry et Montgilbert, par patentes du 16 août 1427. 8
Nourritures célestes… et terrestres : des soucis très terre-à-terre
La vie du Prieuré n'est pas faite que de prières : c'est un centre d'activités, on y fait des affaires, des échanges… et des procès. Beaucoup de procès !
• Le 5 juin 1486 « Echange passé entre le seigneur de Louis, comte de La Chambre et Messire Georges Maréchal abbé de Saint-Rambert, prieur de Chamouz, du 5 juin 1486, de certains prés » ; analyse plus ancienne : « Excambia inter illustr. dom. comitem Camere et priore Chamosii ».
Cet échange est fait à la demande de Louis de La Chambre, seigneur de Chamoux, qui veut faire une «serve» pour tenir des poissons près de sa maison de Chamoux.
Ratification de cet accord par le prieur claustral et Pierre d’Ecrivieux et les moines, 1er septembre 1486.9
Encore un abbé de Saint-Rambert, « prieur de Chamoux»! Le Prieuré endommage avait-il encore un Prieur sur place, ou les affaires étaient-elles gérées à distance ?
Nous trouvons ici Louis de la Chambre occupé à des tâches domestiques bien éloignées des forfaits dont certaines de ses biographies font état. Et… nous trouvons peut-être ici l'origine de l'ancien étang du Parc du Château ?
• On connaît encore un Traité entre Philibert Pasturel, religieux infirmier de Saint-Rambert, et les autres religieux, au sujet du prieuré de Chamoux en Maurienne, dont Pasturel, pendant 9 ans, aura à la fois toutes les charges et tous les revenus.
[anc. H 1065 – sans date ?]
Mais voici de nouveau l’abbé-prieur Maréchal : encore des négociations, des échanges ! 10
• 1504 - Echange entre l’abbé Georges Maréchal et les religieux de l’abbaye st-Rambert. L’abbé cède la dîme d’Evosges, tandis que les moines cèdent à l’abbé le tiers de la dîme de Lhuis et de Bénonces ainsi que les 28 florins que l’abbé leur devait à cause du prieuré de Chamoux et du doyenné de Rignieux-le-Franc, 15 janvier 1504.
(On va beaucoup reparler des dîmes de Chamoux ici !)
La dîme ou dime (du latin decima, dixième) est, depuis le Moyen Âge et jusqu'à la Révolution française, une redevance en nature ou en argent, portant principalement sur les revenus agricoles, et destinée à rétribuer le service public assuré par l'Église.
Une dîme (du vieux français "dixme" soit "dixième") est une dixième partie de quelque chose, payée (en général) comme contribution volontaire ou d'une taxe ou d’un prélèvement, habituellement en soutien d’une organisation religieuse chrétienne. Wikipedia
Mais il n’y avait pas que les rentrées de la dîme : il y avait aussi des frais !
• Bénéfice dont le chapitre [de Saint-Jean de Maurienne] avait le patronage:
- les cures de Valloires, d'Etable de St Sulpice. Du Thyl, de Montdenis, de Montsapey, de Moutricher, de Valmeimer, du Bettonet, de St-Alban-les-Villards, d'Albanne, de La Table d'Albiez-le-Jeune, de St-Martin-d'Arcq, de St-Martin-la-Porte et de St-Julien.
- De plus la cure et le prieuré d'Extravache, les prieurés d'Alton, et de Chamoux, de la Croix-d'Aiguebelle,. de la Corbière et de Montrond.
- Enfin l'hôpital de la Rochette et la chapelle de Bonne-Nouvelle : celle-ci avait été dotée par Rd. Antoine de Polliac, chanoine en 1529.
Tous les titulaires devaient payer au Chapitre 20 florins pour l'entretien des chappes, d'après un statut confirmé en 1471 et en 1521 par les deux cardinaux d'Estouteville et de Gorrevod.
Le prieuré d'Aiton devait au Chapitre une pension annuelle de 15 florins de Vienne ; et était oblige à recevoir honorablement les chanoines dans leurs voyages. 11
Sur la Mappe (accidentée) de 1728-1732
Le cœur du vllage de Chamoux : on voit l’église, et des bâtiments du prieuré – s’il en restait. Document ADS, DR.
XVIe siècle. La Contre-Réforme
En 1542, le pape Paul III convoque le «concile de Trente», dix-neuvième concile œcuménique reconnu par l'Église catholique, pour répondre aux thèses protestantes, dans le cadre de la Réforme ; il débute le 13 décembre 1545, et se poursuit durant dix-huit ans et vingt-cinq sessions (cinq pontificats : Paul III, Jules III, Marcel II, Paul IV et Pie IV) et se tient dans trois villes.. (en France, la fin du Concile de Trente va coïncider avec le début des guerres de religion).
Le renouveau du catholicisme est enclenché : c’est la Contre-Réforme, qui se traduit en Savoie par une explosion de l’Art Baroque.
Sur le plan de la spiritualité, le renouveau catholique s'accompagne du développement d'un grand courant de mysticisme qui atteint son apogée à la fin du XVIe siècle et durant la première moitié du XVIIe siècle.
Si dans l'ensemble, le clergé gagne en dignité et en efficacité, tous les problèmes ne sont pas réglés: la commande et le cumul des bénéfices continuent à exister. Certaines grandes familles continuent à accaparer les dignités ecclésiastiques. L'intervalle des visites pastorales des évêques dans les paroisses (deux ans selon le concile de Trente) n'est pas respecté. La formation des séminaires laisse à désirer et la majorité du clergé reste d'une grande médiocrité. Wikipedia
• Mgr Philibert Millet, neveu et successeur de Mgr Pierre de Lambert sur le siège épiscopal de Maurienne, visita l'église paroissiale et la collégiale de Chamoux en 1596 et en 1609. Nous avons les notes de son secrétaire sur cette seconde visite. Le curé se nommait Jacques Rémorin.
Voir l'article dans "Textes à l'appui" ndlr
À l'église était annexé un prieuré, dont messire André Duguat était titulaire, et un bénéfice dit "de la sacristie". Les avoirs de la cure se composaient d'un revenu de cinq chariots de froment, huit charges de vin et six florins d'argent, et d'une propriété de neuf sétorées de prés et dix-huit fossorées de vigne.
La maison du prieur étant tombée en ruine, l'évêque enjoignit à l'abbaye de Saint-Rambert, de laquelle le prieuré dépendait, de la faire rebâtir, sous peine de saisie des fruits. 12
Le prieur avait donc en principe «sa maison», et de gros soucis pour la maintenir. (À Randens, chacun des chanoines avait sa maison, et ses domestiques… mais ce train de vie ne semblait pas normal)
On assiste ici à un conflit d'autorité entre l'évêque de Maurienne et l'abbaye de St Rambert en Bugey.
XVIIe et XVIIIe siècle : encore des questions très matérielles… et des procès
• 1610 – Dîme encore : le sieur André Dagniat, fermier du prieuré de Chamoux, «estime que les dîmes de ladite paroisse de Montendry fussent dépendant dudit prieuré» : il perd le procès devant l’official d’Aiguebelle, et en appel devant le métropolitain de Vienne ; mais il en appelle à Rome et gagne son procès en 1617 devant l’évêque de Genève, délégué du Saint-Siège. 13
On voit que le sieur Dagniat gère le prieuré de Chamoux, qu'il revendique les dîmes de Montendry… mais pas au profit de Saint-Rambert ! Et il ne lâche pas l’affaire, jusqu’au moment où il gagne son procès.
Pourtant, dix ans plus tard, tout est à refaire. On constate en tous cas que la gestion des dîmes, et la désignation du bénéficiaire final, posaient problème. Il est vrai que les actes officiels fondateurs avaient souvent disparu depuis longtemps (d’où l’invocation de la coutume, «depuis des temps immémoriaux»)
• 1620 – Dîme toujours : nouveau procès, entre les abbé et religieux de Saint-Rambert, demandeurs en requête, d’une part, et Jean Masset, curé de Montendry, défendeur, d’autre part.
Les abbé et religieux de Saint-Rambert, demandeurs, disent que le prieuré de Chamoux, perpétuellement annexé à I’abbaye de Saint-Rambert, a depuis un temps immémorial la dîme de la paroisse de Montendry, «moyennant la pension annuelle qui est perçue par le curé dudit lieu, qui prend ladite pension par les mains des accensataires et fermiers des revenus dudit prieuré, mais sous prétexte que ledit curé, partie adverse, a perçu lesdites dîmes pendant quelques années en qualité de sous-accensataire desdites fermes et censes, il s’en serait à la fin voulu rendre maître absolu».
Le défendeur dit que déjà, en 1610, un sieur André Dagniat, fermier du prieuré de Chamoux, «estimant que les dîmes de ladite paroisse de Montendry fussent dépendant dudit prieuré», lui a intenté, devant l’official d’Aiguebelle, un procès que le défendeur a perdu, comme il a perdu le procès en appel devant le métropolitain de Vienne, mais qu’en ayant encore appelé à Rome, il a gagné son procès en 1617 devant I’évêque de Genève, délégué du Saint-Siége.
Arrêt du Sénat de Savoie en faveur des demandeurs. 14
L’approche du passé d’un village au travers des Archives donne une image biaisée de la vie quotidienne : ce ne sont que procès en Justice, ventes de maquignon, et testaments contradictoires devant notaire !
Les ecclésiastiques avaient pourtant d’autres soucis. Ainsi, de cet appel du roi Victor-Amédée II au clergé, afin de protéger les populations de la peste autrement que par des pélerinages !
• Appel fait au clergé de Maurienne par le roi Victor Amédée II, pour l’engager à concourir aux frais de création et d'entretien des cordons sanitaires à établir sur quelques frontières de la Savoie pour empêcher l’introduction de la peste qui avait envahi les provinces méridionales de la France :
Du septième aoust mit sept cent vingt-un, (7 août 1721)
Se sont assemblés dans le palais de l’Évéché de Maurienne (suit une longue liste de prêtres, dont: Rd Hyacinte Didier, curé de Chamoux et en qualité de député du monastère du Betton)
Dans laquelle assemblée Monseigneur l'Illustrissime et Revérendissime évêque de Maurienne, a fait lecture de la lettre qu'il a reçeu de son Excellence le Comte de Sales, dattée du vingtième juillet proche passée, par laquelle Sa dite Excellence asseure que S. M. ne désaprouvera. pas que le clergé de Maurienne fasse une assemblée composée du nombre des, députés de la part des Rds curés du diocèse, ainsi que des chapitres et d'un religieux de chacune des maisons religieuses, afin de procéder à la répartition de la contribution qui a été ci devant demandée au clergé pour subvenir aux frais des barrières et gardes qui se font en Savoie afin de prévenir et éloigner la contagion qui infecte les pays voisins.15
• 23 avril 1669. — La Société d’Histoire de Maurienne relève pour cette date une transaction entre la communauté de Chamoux et les religieux de Saint-Rambert en Bugey.16 (Sans autre détail : à élucider. ndlr)
• 1675, Dîmes à nouveau : Accensement de la dîme au hameau de Chamoux, au revenu annuel de cinq charges de froment, de deux charges de seigle et d’une d’orge.17
Donner ou prendre à cense, c'est acenser. Celui qui donne ou prend à ferme ou à cense est un acenseur.
Cense, nom féminin, dérivé du bas-latin censa, signifiant fermage, est devenu ensuite le nom de la ferme même. C'est le nom qu'on donne aux métairies et aux fermes, dans certaines parties de la France et de la Belgique romane. Ne pas confondre avec le cens. Wikipedia
• 1682-1687 - Transaction passée entre les Révérends Chanoines, et chapitre de St Jean de Maurienne d'une part, et le Révérend Doyen et chanoines de Chamoux, d'autre, occasion d'un seytier de bon hypocrat deü audit chapitre annuellement, et payable la veille de St Jean Baptiste par le prieur de St Pierre de la Corbière d'Urtières, et portable audit St Jean, lequel a été uni au doyenné de Chamoux, par laquelle est convenu qu'au lieu dudit hypocrat sera donné annuellement aux dits chanoines, et chapitre la somme de cent florins par ledit doyen chaque veille du dit Jean Baptiste,
la ditte transaction du 17 Mars 1685, receu et signée par Me Odomard, Notaire avec l'arrest d'homologation d'icelle ensuitte. 18
hypocrat : je ne trouve pas « hypocrat » dans mes sources, mais « hypocras »: le mot n'apparaîtrait qu'au XIVème siècle, pour désigner un vin épicé, (pratique courante depuis les Romains) censé posséder des vertus digestives – d’où la référence au médecin grec Hypocrate ; un coup de pub en somme ?
N’oublions pas que la Maurienne recourait volontiers à ses vins, ou à ceux de la Combe… ndlr
Le chapitre de Maurienne a donc bien voix… au chapitre, en ce qui concerne Chamoux.
Pourtant, à l'origine, l'église et le Prieuré de Chamoux ne relevaient que de l'abbaye St Rambert en Bugey. Mais pas les curés : on a déjà vu que les évêques de St Jean de Maurienne visitaient St Martin de Chamoux, et menaçaient l'abbaye de sanctions.
Les églises voisines de Chamoux relevaient quant à elles «normalement» du Diocèse de Maurienne (l’évéché étant à Saint-Jean de Maurienne).
On sait que le prieuré de St Pierre de la Corbière était lié à la Collégiale de Chamoux (voir ci après). C’est la Corbière qui était redevable.
Epierre - Le prieuré de la Corbière par M. le chanoine Truchet. 19
«La date de la fondation du prieuré de la Corbière, dont le prieur Richard allait entreprendre la reconstruction en ce lieu, est inconnue. Mais on peut avec beaucoup de probabilité la reporter au VIIIe siècle
L’article s’appuie sur une copie de l’acte original (vidimus) faisant état de la refondation du prieuré :
«Celui-ci a été fait, par l'official de Chambéry pour Mgr. Laurent Alaman, évêque de Grenoble, le 27 avril 1502, dans l'église Saint-Léger.
L'acte de donation commence ainsi :
« Au nom de la Sainte Trinité. A tous les fidèles de la sainte Eglise présents et futurs je notifie que moi Nanthelme de Miolans vicomte, fils de feu Nantelme de Miolans, acquiesçant aux pieuses demandes de Richard de Termignon, prieur de la Corbière, et de ses moines. pour le remède de mon âme et de celles de mes prédécesseurs, en présence des témoins bas nommés, je donne et cède à l'église et au prieuré de la Corbière le lieu dans lequel seront construits l'église, le réfectoire et les autres dépendances, dans les limites qui ont été placées, au lieu appelé Belle Ville, et par le présent acte j'investis de ce lieu toi Richard prieur et tes successeurs.
« Suit l'état des donations et inféodations que Nantelme de Miolans fait au prieuré. (…) »
L'acte est écrit, par ordre du comte Thomas, par le notaire Anselme le 23 août 1198.
(…) En 1502, Pierre de la Ravoire était prieur commendataire «du prieuré de St-Pierre de la Corbière de l'ordre de St-Benoît.» Ce fut lui qui requit de l'official de Chambéry le vidimus dont nous avons une copie.
«En 1515, le comte Louis de La Chambre, ayant fondé la collégiale de Sainte-Anne à Chamoux, lui unit le prieuré de la Corbière. Mais le torrent avait ravagé les propriétés et renversé une grande partie des bâtiments.
Cependant en 1571, lors de la visite de Mgr. Pierre de Lambert, le vicaire et fermier du chapitre de Chamoux, messire Claude Domenget, déclara que les revenus s'élevaient encore à 450 florins, environ 2.000 fr. de notre monnaie en valeur commerciale.
Le doyen de la collégiale de Sainte-Anne avait le titre de prieur de la Corbière et celui de seigneur de St Pierre-de-Belleville qu'il portait encore au XVIIIe siècle. En cette dernière qualité, il nommait le juge de sa minuscule seigneurie et faisait des règlements de police.
En 1748, messire Antoine Ripert, doyen de Chamoux, prieur de la Corbière, seigneur de Belleville, défendit de détourner l'eau du ruisseau du Nant pour la conduire à un martinet. »
Il faudrait aussi explorer aux A.D. de Savoie 20 diverses citations de Chamoux pour des revenus ecclésiastiques et autres questions de gestion :
• 1602-1787. - Paroisses et communautés - Chamoux :
3 à 8. lettres, ordonnances épiscopales et autres pièces relatives au chapitre de Chamoux, à son doyen et à son sacristain(1678 et 1755)
9 à 43. chapelle de Saint-Antoine, chapelle des SS. Blaise et Eustache;
14. État des revenus de la sacristie de Chamoux;
15 à 18. démissions et institutions ;
19. inventaire des biens de la cure (1787)
• Décembre 1692 21
Transaction passée entre les scindics, conseillers et communiers de Chamoux, et les religieux de St Rambert comme prieurs du prieuré du dit Chamoux
- par laquelle le service divin qui doit être fait audit Chamoux par les dits communiers de St Rambert est réglé
- comme aussy l'ausmone qui doit être distribuée aux pauvres du lieu de Chamoux les vendredy du caresme, étant convenu qu'il sera distribué par Messieurs de St Rambert soit par leur fermier à chaque pauvre un mourceau soit Cartier de pain de la pesanteur de demy livre poid d'Ayguebelle composé de bled cavallin*, sans mettre au dit pain le son du dit bled,
- sont aussy tenus les dits révérends de St Rambert de maintenir les cordes des cloches sauf que les communiers du dit Chamoux n'y commissent abus, ou bien qu'on vinssent à les enlever, ou dérober auquel cas les dits communiers seront tenus à la manutention,
- seront encore tenus les dits de St Rambert de maintenir le chœur et le sancta sanctorum de la ditte église parroissiale de Chamoux,
la ditte transaction du 25 Avril 1669, receüe par les notaires MANCERT, TOGUET et Emmanuel FAVRE avec la requeste et décret ensuitte pour obtenir l'enregistrement d'icelle transaction du 13 Décembre 1692.
Ce sont encore "les religieux de St Rambert comme prieurs du prieuré du dit Chamoux" qui tiennent le rôle de prieurs de Chamoux : voilà qui règle la question du Prieuré vétuste, si on n'y loge plus !
La moindre dépense fait donc l’objet d’un accord (devant notaire), même une longueur de cordes pour les cloches. On voit apparaître des rôles : le scindic (nommé – et non élu - jusqu’au XIXe siècle : c’est «l’ancêtre » du maire), les conseillers, et les « communiers ».
La transaction décrit la forme prise par l’aumône (une très vilaine affaire d’aumône troubla l’ordre en Maurienne) : faut-il croire que les abbés trichaient sur la qualité du pain des pauvres, au point de leur interdire de farcir la pâte de son ?
Bref, les liens continuent à se distendre entre Chamoux et Saint-Rambert.
Mais l'église aussi se dégrade…
Le temps des reconstructions
• 19 juin 1698 22 : «condamnation des religieux de St-Rambert en Bugey à faire faire incessamment les réparations nécessaires au chœur de l’église paroissiale de Chamoux, et même la saisie des dîmes de la paroisse fut accordée aux paroissiens jusqu’à ce que lesdites réparations aient été faites»
Selon divers documents qui se recopient peut-être, «en 1717, l'église St-Martin est retournée». En 1717 ?
En fait, en 1699, la famille Deglapigny (le curé, le sacristain, et leurs proches à de moindres degrés), ont financé la reconstruction de la nef.
En 1719, le chœur est à son tour reconstruit, mais à l'opposé de sa position précédente (les comptes-rendus des évêques sont explicites, voir les articles "Textes à l'appui")
On dispose même de la "facture" très détaillée du maître maçon et du maître charpentier pour le chœur et la sacristie.
À noter : nulle trace en 1719 de travaux sur la façade baroque, pas d'information sur l'aménagement baroque de l'intérieur. Il n'est question nulle part de l'aménagement d'un nouveau portail, indispensable en cas de "retournement".
En revanche, on voit que la sacristie construite contre le chœur, est alors dotée d'un portail travaillé, qui a disparu aujourd'hui (au profit de cette fenêtre qui nous intrigue ?)
Une figure dans la vie chamoyarde, Michel Savey 23
• Mai 1743. le Révérend Esprit Combet note, à l’intention de son évêque :
« Michel Savey, de Chamoux, docteur de Turin, remplace Dupré.
Ce chanoine fut une des illustrations du Chapitre.
Nommé par le pape en juin 1738, à la cure de St-Pierre-de-Souci, il l'échangea en 1734 contre celle de Villarsallet. Deux ans après sa promotion au canonicat, en mars 1745 il fut nommé vicaire général et official et installé à l'évêché. Le 4 novembre 1787, Mgr de Martiniana le fait son premier grand vicaire, official et supérieur de son séminaire. Il ne dirigea cette maison que trois ou quatre ans mais il continua l'exercice de son dévouement à l'évêque et au diocèse, jusqu'au coup d'apoplexie qui l'enleva à la vénération et à la reconnaissance de tous, le 28 avril 1777. Son testament donnait tout son délaissé au séminaire. Un arrêt du sénat, obtenu par l’avocat Savey, frére du défunt, l'annula le 28 août 1778. Il a laissé un manuscrit sur le diocèse.»
• 1765-1768.- Dîme 24 : "le grand prieur et les religieux de la royale abbaye de St-Rambert en Bugey, intentent un procès devant le Sénat, à François Pillet, curé de Montendry : malgré la transaction qu’ils avaient passée, le 9 mai 1640, avec révérend Gabriel Plaisance, curé de Montendry, le défendeur ayant prétendu les troubler dans la possession de la dîme, ils furent obligés de le convenir céans ainsi que par requête du 31 janvier 1742 pour être maintenus... dans la possession de ladite dîme et pour obtenir a son préjudice des inhibitions de trouble dans le cours de cette instance, dont la poursuite a été interrompue par intervalle, ledit Me Pillet a élevé différentes contestations au sujet de la portion congrue qu’il a prétendu n’être pas complète, et Iesdits suppliants lui ont fait observer qu’il n’en pouvait pas être question après ladite transaction qui réglait ses prétentions et au moyen de laquelle il doit se borner à ce qui lui avait été promis et relâche par icelle, n’étant pas en droit de percevoir la dîme et de jouir ensemble des choses mentionnées dans cet acte, de manière qu’ils ont persisté à leurs conclusions pour la dîme en blé comme par acte du 30 août 1750, en payant 6 vaisseaux de froment et 4 vaisseaux seigle de la manière portée par ladite transaction.»
Les phrases courtes et claires ne sont pas légion dans ces textes !
Que remarquons-nous ?
- en 1640, le curé de Montendry est le révérend Gabriel Plaisance,
- en 1750, un accord éphémère est passé entre Montendry et les abbés de St Rambert et Bugey.
- vers 1765-1768, François Pillet, curé de Montendry, conteste.
D’une manière générale, les relations entre l’abbaye de Saint-Rambert et les prêtres ne sont pas toujours bonnes, ceux-ci se déclarent mal traités, et on cherche les liens humains.
Dans de nombreuses paroisses de France sous l'Ancien Régime, la dîme n'est pas perçue directement par le curé mais par de "gros décimateurs" appelés curés primitifs : ceux-ci reversent au curé desservant une partie de cette dîme appelée la portion congrue, qui comme son nom l'indique, à l'origine, doit permettre au prêtre de vivre convenablement.
(Aujourd'hui encore), dans le langage courant, portion congrue signifie très petite part, avec souvent l'idée que quelqu'un d'autre a pris la plus grande partie.
Le montant de cette portion congrue a évolué. (…) Trouvant la charge trop lourde, de nombreux "gros décimateurs" abandonnèrent leurs dîmes aux desservants.
L'augmentation au XVIIIe siècle ne compense qu'imparfaitement l'augmentation des prix. Les cahiers de doléances du tiers état de 1789 demandent que la portion congrue soit portée à 1200 livres. L'animosité entre le "curé primitif" (haut-clergé) et les prêtres desservants (bas-clergé) favorisa la scission de l'ordre du clergé dans les premiers mois de la Révolution de 1789 et le ralliement du bas-clergé au Tiers-État, participant ainsi à l'effondrement de l'Ancien Régime et de la Monarchie absolue ainsi que les privilèges accordés au haut-clergé et à la noblesse. Wikipedia
Déliquescence d'un Prieuré
En 1717, le sacristain est Jacques Deglapigny : il porte le nom d'une famille de notables du village (en 1741, l'actuel "Prieuré" est appelé "Maison Deglapigny" par le vicaire général du Diocèse)
Cependant, nous avons rencontré plusieurs fois ce titre pour désigner un religieux de l'abbaye de Saint-Rambert : ici, Jacques Deglapigny, prêtre, est sacristain (et un temps prieur) à Saint-Martin de Chamoux: le sacristain, pouvait être - dit le Littré - celui qui est pourvu du bénéfice appelé sacristie.
En août 1735, le Sénat de Savoie prononce la mise sous séquestre des biens du Prieuré : à la requête des Communiers de Chamoux, Jacques Deglapigny est écarté de la gestion. Les Communiers nomment pour 6 ans un économe et exacteur laïque.
Voir l'acte d'élection
En 1741, les Révérends de St-Rambert acensent 25a de nouveau pour six ans le Prieuré et ses dépendances à un laïque, cette fois… de la famille de Jacques Deglapigny : il s'agit de Claude-François Deglapigny. Apparemment, le Prieuré lui-même est compris dans le lot.
Voir le contrat d'acensement enregistré par le Tabellion d'Aiguebelle.
• Chamoux 25b - [à la Collégiale], "Il y avait autrefois un chapitre de huit chanoines, réduit à deux, qui ont peine à vivre ; ils sont de la nomination du baron de Chamoux.
[Au prieuré], le sacristain n'est pas du chapitre, mais de l'église paroissiale ; il est de libre collation, quoique les moines de Saint-Rambert prétendent l’établir.
Il y avait un prieuré dépendant de l'abbaye de Saint-Rambert en Bugey, cédé nouvellement aux moines de Bellevau, qui forment de grands projets sur la cure et la sacristie."
Si on peut prendre en compte les informations que nous donne ici la Société d'Histoire, on apprend qu’en 1741, le prieuré aurait changé de mains (pour peu de temps ; mais nos autres sources semblent contredir cette information) ; quoiqu'il en soit, la Révolution allait disperser aussi les moines de Bellevaux (en Bauges).
Quant au sacristain, autrefois « procureur » de l’abbaye auprès du curé, le voilà émancipé – mais alors, qui le nommait ?
L'église se dégrade…
• 1772-1775. - Dîme, église paroissiale 26 ; le syndic et les conseillers de la Communauté intentent un procès devant le Sénat de Savoie aux révérends prieur et religieux de St-Rambert en Bugey qui «possèdent le prieuré de St-Martin situé à Chamoux, duquel dépend la cure de Montendry» : il y a plusieurs réparations à faire tant au chœur qu’à la sacristie, vases sacrés et ornements.
Or, révérend Maurice Guerraz, sacristain de Chamoux, qui est possesseur actuel de tous les revenus dépendant du prieuré en qualité de procureur des révérends religieux de St-Rambert, fait refus de faire faire Ies réparations, sous prétexte qu’il a relâché les dîmes au Curé ; et le curé prétend à son tour «n’avoir rien au-delà de sa portion congrue»
Mais où sont passées les dîmes ?
En tous cas, nous constatons que le révérend Maurice Guerraz est sacristain de Chamoux, possesseur actuel de tous les revenus dépendant du prieuré, procureur des religieux de St-Rambert : il ne faut pas le confondre avec le curé en place à l’église pariossiale, «réduit à la portion congrue», selon la formule qui nous est restée. L'église est toujours liée au prieuré.
On voit aussi que la population a ses propres représentants, syndic et conseillers.
Mais le XVIIIe siècle s’achève, la Révolution est en germe : les heures de Saint-Rambert sont comptées.
Fin du Prieuré
L'abbaye mise en commande au XVIe siècle, est sécularisée en 1788.
Juste avant la Révolution !
La Révolution à Chamoux
• Noms des Émigrés et des Déportés de la Maurienne pendant la Révolution française 27
Page 31 d'une longue liste, nous découvrons parmi les prêtres qui avaient émigré, le nom du curé en place à Chamoux : N. Rambaud.
Un couard ? Les témoignages laissent penser que les Révolutionnaires, pourtant accueillis en Savoie, eurent la main lourde (voir ci-dessous) : on peut donc comprendre la tentation de passer des cols familiers vers le Piémont ! Cependant, le citoyen baron d'Albert resta (vieux, et, il est vrai, seul et dépossédé) dans le château de Chamoux, et y mourut. (voir notice Baron Joseph d'Albert)
Il faut se rappeler que les notables qui ont mené ces recherches à la fin du XIXe siècles, et qui commentent ici les faits, étaient proches de l’évêché de Maurienne…
« Tous les émigrés et les déportés ne figurent pas dans ce tableau, parce qu'un certain nombre de ceux qui ne s'étaient pas éloignés au début, ont dû le faire plus tard, à cause des recherches incessantes dont ils étaient l'objet, et dont la solution finale était la déportation. Ils cherchaient l'émigration, qui leur laissait la liberté, l'espoir d'un retour plus ou moins rapproché et la presque certitude de pouvoir être secourus par leurs familles. Les prêtres, de leur côté, espéraient pouvoir reprendre leur ministère dans leurs paroisses.
Tous les prêtres non plus ne sont pas partis ; il en est qui n'ont fait que s'absenter temporairement pour dépister les espions, le Directoire exécutif, la gendarmerie, etc. puis ils revenaient quand on leur faisait savoir qu'on ne s'occupait plus d'eux et qu'on les croyait définitivement émigrés.
A leur retour du Piémont, où ils avaient trouvé un refuge assuré et une généreuse hospitalité accordée par NN. SS. de Martiniana et de Brichanteau, qui ont pourvu aux besoins des plus âgés, procuré des vicariats, des places d'instituteurs à d'autres, ils sont rentrés dans leurs paroisses, célébrant la messe dans une église ou une chapelle toujours dépouillée et souvent dévastée, dans une chambre, dans une grange, parfois en rase campagne, sur une table appuyée contre un arbre et gardés par des jeunes gens de la commune qui se tenaient à distance, armés de frondes et munis de pierres qu'ils ont eu quelquefois occasion de lancer contre les gendarmes quand ils les voyaient venir de loin ; ils permettaient ainsi au célébrant d'achever sa messe, puis lui, les assistants et les surveillants disparaissaient.
Les prêtres baptisaient, mariaient, faisaient le catéchisme confessaient, administraient les sacrements assistaient les mourants, tantôt sous un costume, tantôt sous un autre, pour n'être pas reconnus, pas même soupçonnés. Ils mangeaient çà ou là, couchaient une nuit dans un lit, demain dans un autre, dans une grange, dans une étable, dans un galetas et parfois dans une forêt. Ils allaient d'une commune à l'autre, tant pour y remplir leur ministère que pour échapper à ceux qui voulaient s'emparer d'eux.
Toutefois, malgré leurs soins à se cacher, malgré la vigilance dont nos populations religieuses les entouraient, quelques-uns, de temps à autre, ont été arrêtés et déportés après la formation de ce tableau.»
• EXTRAIT du procès-verbal de l’administration du Directoire du département du Mont-Blanc, du 25 fructidor an II (13 septembre 1794) de la République une, indivisible et démocratique 28 :
« Vu l'état des noms des émigrés des districts de Chambéry, Annecy, Carouge, Thonon, Cluses, Mont-Salin (ci-devant Moûtiers) et Arc (ci-devant Saint-Jean de Maurienne), formant le département du Mont-Blanc, dressé en exécution des lois des 8 avril 1792 et 28 mars 1793 (vieux style);
Le Directoire du département du Mont-Blanc arrête que ledit état sera imprimé, publié et affiché dans tout le ressort du département ; que, conformément à l'article XVI, section V, il en sera adressé des exemplaires à chacune des douze commissions exécutives, à tous les départements de la République, au tribunal criminel du département, au directeur général de l'agence nationale des domaines et de l'enregistrement du département,
- pour prendre l'administration des biens qui leur ont appartenu, aux directoires des districts,
- pour être par eux envoyés à toutes les municipalités aux comités de surveillance et sociétés populaires du département,
et invite lesdits municipalités et comités de surveillance, sociétés populaires et tous les citoyens qui auraient des renseignements ultérieurs à fournir relativement aux émigrés qui n'auraient pas été compris dans la présente liste, soit qu'ils possèdent des biens, soit qu'ils n'en possèdent pas, ou qui seraient émigrés depuis la formation de ladite liste,
- de les adresser, dans le délai d'une huitaine, prescrit par l'article XIV, section V, de la loi du 28 mars 179[ ?], aux directeurs des districts,
- et ceux-ci, dans pareil délai, à l'administration du département, pour en être dressé des listes supplétives ;
- de tenir enfin la main à l'exécution des lois des 31 octobre, 1, 3, 10 et 25 novembre 1792 (vieux style) ;
- invite pareillement les municipalités, comités de surveillance, sociétés populaires et tous les citoyens, à dénoncer les émigrés qui seraient rentrés ou rentreraient sur le territoire de la République, soient qu'ils aient été compris dans la liste, soit qu'ils n'y soient pas, leur rappelant, à cet effet, l'article LXXII, section XII de la loi du 28 mars, qui accorde cent livres de récompense à tous ceux qui les dénonceront.
Signé au registre : Chamoux*, président; Grand, Olive, Somelier, Dufour, Gucher, administrateurs, et Velat, secrétaire général . Certifié conforme à l'original, Velat, secrétaire général. »
* rien ne permet d'affirmer une proximité entre le citoyen Chamoux, très actif en Savoie, et le village du même nom.
Beaucoup d'églises perdirent leur chapeau dans l'affaire : nombre de clochers furent rabaissés, au sens propre et au sens figuré, et leur aiguille disparut. Fut-ce le cas de celui de Chamoux ? Peut-être pas : le dernier étage" du clocher, qui peut correspondre à la surélévation du XVIIIe s, est à peu près au même niveau que le faîtage actuel de l'église. Reste la toiture du clocher : bulbe, aiguille ? Quelle était sa "coiffure" avant la Révolution ?
Et puis… on ne parla plus du Prieuré, dont il ne restait pas grand chose à vrai dire…
Le curé N. Rambaud revint d'exil, puis Jean-Baptiste Rambaud lui succéda (un neveu ???) : tous deux affligés d'une écriture torturée, maintinrent la pratique du (bas) latin dans la tenue des Registres paroissiaux, malgré les consignes qui autorisaient une notation en français depuis le cours du XVIIIe siècle… Au moins, ils restaient neutres quand ils enregistraient un bébé dit "illégitime" (ce n'était pas le cas du curé de St-Pierre d'Albigny par exemple…)
2012, 2015, 2018, 2020, Recherche et transcriptions A.Dh.
Notes:
* cavallin : orge et avoine mêlées (AS B1622 F°3)
Sources
6- AD Ain http://www.archives-numerisees.ain.fr/archives/ : FRAD01_abbaye_de_saint_rambert)
H 15 Offices claustraux .. 1341-1780 (Liasse) - 14 pièces, parchemin ; 21 pièces, papier ; 2 pièces imprimées
7- Gallica - Travaux de la Société d'histoire et d'archéologie de la province de Maurienne : bulletin 1908 (SER2,T4,PART2) p.89-91 Remarque : l’origine des documents n’est pas toujours précisée dans ces Travaux (le plus souvent la source était : les Archives du Diocèse de St-Jean de Maurienne)
8- Gallica - Travaux de la Société d'histoire et d'archéologie de la province de Maurienne : bulletin 1894 (SER2T1) p.133 bis etc
9- AD Ain http://www.archives-numerisees.ain.fr/archives/ : FRAD01_abbaye_de_saint_rambert) H 145bis - 1486 - Prieuré de Chamoux en Maurienne
10- AD Ain http://www.archives-numerisees.ain.fr/archives/ : FRAD01_abbaye_de_saint_rambert)
11- Travaux de la Société d'histoire et d'archéologie de la province de Maurienne : bulletin 1871 (VOL3)
12- Gallica - Travaux de la Société d'histoire et d'archéologie de la province de Maurienne : bulletin 1885 (VOL6.) p.258
13- AD Savoie IR 2803
14- AD Savoie - IR 2803 Archives canton Chamoux avant 1793 - Inventaire sommaire des Archives communales antérieures à 1793. Série E- supplément 1492. -.GG. 3. (Cahier.) - in-f°, 47 feuillets
15- Gallica - Travaux de la Société d'histoire et d'archéologie de la province de Maurienne : bulletin 1871 (VOL3) page 221
16- Gallica - Travaux de la Société d'histoire et d'archéologie de la province de Maurienne : bulletin 1867 (VOL2)-1869. p. 252 Anciennement aux Archives de l’évéché à st_Jean de Maurienne (en 1860)
17- AD Ain http://www.archives-numerisees.ain.fr/archives/ : FRAD01_abbaye_de_saint_rambert) H 19
18- AD Savoie Inventaire des répertoires des registres des Edits Bulles - IR 208 1682-1703 Fol" 108 – (cote ADS 9872 des minutes des notaires IR 514 à 58) - 2B - 232 Fo7” 577 (1682-1687)
19- Gallica - Travaux de la Société d'histoire et d'archéologie de la province de Maurienne : bulletin 1901 (SER2,T3,PART1) p.193
20- AD Savoie - IR 601B / G. Maurienne 128. - Liasse. - 2 pièces parchemin,3 cahiers, 21 pièces papier
21- AD Savoie - B - 1456 Fc:" 600 (1690-1695) ) Inventaire des répertoires des registres des Edits Bulles - Fol" 86 Vo
22- AD Savoie -IR 2803 Archives canton Chamoux avant 1793)
23- Gallica - Travaux de la Société d'histoire et d'archéologie de la province de Maurienne : bulletin 1871 (VOL3) pages 279
24- AD Savoie - IR 2803 Archives canton Chamoux avant 1793) GG. 3. (Registre.) - in-f°, 148 feuillets.
25a - ADS - archives en ligne - tabellion d'Aiguebelle 1740 : Acensement par l'Abbaye de St Rambert à Claude François Deglapigny de Chamoux pour 6 ans - Fo 63 (p.85/369)
25b - Gallica - Travaux de la Société d'histoire et d'archéologie de la province de Maurienne : bull. 1871 (VOL3) page 74
26- AD Savoie - IR 2803 Archives canton Chamoux avant 1793) pas de réf. documents
27- Gallica - Travaux de la Société d'histoire et d'archéologie de la province de Maurienne : bulletin 1871 (VOL3) pages 35-36
28- AD Savoie (à compléter)