Testament

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12-3-1783 - Testament d'Antoine de Gallis

Antoine de Gallis est un membre d'une vieille famille de Chamoux, noble au moins depuis 1600. Il habite la maison forte de Villardizier; malade, il fait son testament : il ne semble pas se douter que sa fin est très proche.
Le notaire, plus troublé, oublie souvent d’écrire «à la 1ère personne» : ses ratures, encore insuffisantes, lui valurent une correction en règle à l’ouverture du testament… 6 jours plus tard.

Les dames et demoiselles apprécieront le traitement des dames dans ce document "banal"…

Testament solennel de noble Antoine Degalis de la tour de Chamoux

Je, noble Antoine fils de feu noble Antoine Degalis De la tour, natif et habitant de cette paroisse, désirant disposer des biens qu’il a plu à la divine providence me partager en ce monde, pour éviter tous débats et contestes qui pourraient naître à cette occasion, j’ai fait mon présent testament implicitement nuncupatif [1] comme ci-après :

- premièrement, je laisse le soin de mes funérailles à la discrétion tant de demelle Anne-Charlotte Mathieu-Descombes, ma chère femme, que demelle Marguerite-Xavier Degalis, épouse du Sr Louis Falquet, ma cousine, pensant qu’elles s’en acquitteront avec toute la décence convenable, et qu’elles se conformeront pour regard des messes à mes intentions dont je leur ferai part, voulant au surplus être inhumé dans l’église de la paroisse de Chamoux, au tombeau et vas [2] de mes prédécesseurs.

- je ne veux faire aucun legs pie aux hôpitaux de la charité des villes de cette province, ni à celui des Sts Maurice et Lazare [3];

- je donne et lègue à demelle Anne Reynaud ma chère mère la somme de quatre cent livres pour la légitime qu’elle pourrait prétendre dans mon hoirie [4], la priant de vouloir bien se contenter de cette somme, et donner à son héritière un temps convenable pour le paiement d’icelle, ne la lui léguant cependant, eu égard qu’elle est dans l’aisance, seulement […] qu’elle lui soit d’ici ;

Villardizier sur la Mappe de 1732 : les maisons nobles et la chapelle (ADS)- je donne et lègue à ladite demoiselle Marguerite Degalis sa chère cousine, tous les meubles, effets, denrées, bestiaux, or, argent, batterie de cuisine qui lui appartiendront lors de son décès, sans exception quelconque, pour en prendre possession immédiatement après son décès ; de plus, au cas qu’il que je vienne à décéder sans enfants mâles, je lui lègue et aux siens à perpétuité le droit de nomination qu’il que j’ai à la Chapelle de Villardizier pour s’en prévaloir et en disposer en toute propriété, la priant cependant de ne point inquiéter son mon héritière pour regard de la restitution de taille qu’elle pourrait lui devoir ;

- je donne et lègue au posthume dont ma chère femme pourrait être enceinte : si c’est une fille, et à toutes les autres filles qu’elle pourrait avoir dans la suite la somme de trois deux mille livres payables aussitôt deux ans après qu’elles seront parvenues au St sacrement du mariage, et sans intérêts, jusques alors, et c’est pour toute dot congrue [5] et part d’augment [6] qu’elles pourraient prétendre dans son mon hoirie , et de ladite demelle Mathieu leur mère ; si le posthume dont sa ma chère femme pourrait être enceinte était un mâle, ou qu’il eût un ou plusieurs enfants mâles avant son mon décès, audit cas, il j’institue et appelle pour son mon héritier universel le premier enfant mâle qu’il y aura de vivant à son mon décès, et s’il vient à décéder en pupillarité, il je lui sbstitue par substitution vulgaire et pupillaire le premier enfant mâle qui sera immédiatement après le décès, et ainsi audit cas par même substitution des uns aux autres, il je donne et lègue et par institution particulière, délaisse à tous les autres enfants mâles la somme de deux mille livres payables lorsqu’ils auront atteint l’âge de vingt ans sans intérêts jusqu’alors pour tous droits de légitime qu’ils pourraient prétendre comme est dit ci-devant aux filles, tant dans son mon hoirie que dans la part d’augment de leur mère ; bien entendu que jusques audit temps de vingt ans et les filles jusques à leur mariage elles seront nourries et entretenues par son mon usufruituaire ci-après et successivement par son mon héritier et héritière, en s’occupant cependant les uns et les autres à faire d’avantage de son héritier ou héritière autant qu’il dépendra d’eux ;

- je donne et lègue à demelle Anne-Charlotte Mathieu-Descombes sa chère femme les fruits, usufruits de tous ses mes biens quelconques, jusqu’à ce que son mon héritier ou héritière ayant atteint l’âge de vingt ans ; et c’est à la charge qu’elle nourrira et entretiendra ses mes enfants jusques audit temps, qu’elle payera les charges foncières, l’intérêt des dettes et dès ledit temps il je lui lègue une pension qui sera fixée suivant la faculté de son mon hoirie, qui sera payable pendant sa vie de six mois en six mois par avance ; et c’est encore à la charge dans les deux cas que l’intérêt de ses droits dotaux et augment sera confondu dans ledit usufruit et dans ladite pension ; qu’elle ne pourra pas demander l’augment qui lui sera dû, même en dotant caution ; de plus à la charge qu’elle tiendra vie [vid’icelle], qu’elle restera dans le lieu, car venant à contrevenir à cette condition ou à l’une des autres, il révoque le susdit legs d’usufruit et de pension, espérant qu’elle continuera sa tendresse maternelle pour la fille qu’il a à présnet et pour tous les autres enfants qu’il pourrait avoir dans la suite ;

- et dans le cas présent, il je nomme, institue et appelle pour son héritière universelle Julie, sa et de ladite demelle Anne-Charlotte Mathieu, fille, par laquelle il veut et entend ses dettes, legs et frais funéraires être payés et acquittés,
et à défaut d’enfant mâle comme est ci-devant expliqué, au cas qu’elle vienne à décéder en pupillarité, il lui substitue vulgairement et pupillairement la première fille qu’il pourrait avoir, et ainsi audit cas des unes autres, les autres filles qu’il pourrait avoir,
si cependant le testateur vient à décéder sans avoir d’autres enfants que ladite Julie, et que celle-ci vienne à décéder en pupillarité et même après ledit temps sans avoir des enfants mâles ou femelles, tout comme si le cas arrivait qu’il ne lui restât dans la suite qu’un seul enfant mâle ou femelle qui décédât dans la suite aussi en pupillarité, ou sans laisser d’autres enfants mâles ou femelles, quoiqu’il décèderait après ledit temps, dans les susdits cas,
il leur substitue vulgairement et pupillairement ladite demelle Marguerite-Xavier Degalis, épouse du Sr Pierre-Louis Falquet, sa chère cousine, et à défaut d’elle, les siens, et à défaut des siens, ses héritiers, et même par substitution fideis commissaire 
[7], s’ils décèdent dans enfants après l’âge de pupillarité, et à cet effet dans ce dernier cas, charge et ordonne et entend que ladite Julie soit le dernier de ses enfants qui décèdera son héritier sans enfants rendra sa dite hoirie à demelle Marguerite Degalis ou aux siens, ou héritiers, comme est ci-devant expliqué ;

- de plus, nomme pour tuteur de ladite Julie sa fille ledit Pierre-louis Falquet son cousin, le priant d’accepter cette charge, le déchargeant même expressément de donner caution, se trouvant mieux au fait, et dans le cas de faire les démarches usitées en pareil cas, que sa chère épouse étant d’ailleurs une personne de sa confiance, ne crois pas qu’il soit nécessaire de faire procéder à aucun inventaire eu égard au legs par moi ci-devant fait de mes meubles et autres ;

-  que si cependant l’on ne pouvait se dispenser de faire celui des titres et des biens, je nomme à cet effet pour le faire M° Simon Mollot, notaire royal, comme étant une personne de ma confiance ; je casse au besoin tous codicilles et donations à cause de mort que je peux avoir ci-devant faits, voulant que ce présent testament implicitement nuncupatif que j’ai prié à cause de mon indisposition M° Simon Mollot d’écrire comme une personne de ma confiance, qu’il sorte son plein et entier effet pour être telle ma volonté ;

- en foi de quoi, je signerai ci-après ainsi qu’au bas de toutes les pages du présent

à Chamoux, le douze mars mil sept cent quatre-vingt et trois.

Signé : degalis de la tour
De la même main : Le nom de mon héritière c’est julie ma fille,
celle que je lui substitue c’est madame falquet
ma cousine

Signature et ajout d'antoine de Gallis

Ajout au-dessous:
le verbal de publication du présent testament est à folio soixante-trois du présent livre

Signé : Simon Mollot notaire
Vaqué quatre heures pour mon assistance à l’ouverture dudit testament

mars 2015 - Recherche et transcription : A.Dh


Notes

[1] nuncupatif : en parlant d'un testament : effectué de vive voix et devant témoins.
[2] vas : tombeau (lexique roman)
[3] legs aux hôpitaux : cette réserve peut surprendre; mais elle est courante dans les testaments de l'époque. En effet, à partir de 1720, les notaires étaient tenus de proposer au testateur de faire un legs aux hôpitaux du Duché, ou à celui des Sts Maurice et Lazare de Turin: en vain, car les Savoyards préféraient avantager des œuvres plus locales! (cf Jean Nicolas, La Savoie au XVIIIe siècle, rééd. Fontaine de Siloe 2003 p.488)
[4] hoirie : héritage

[5] dot congrue : les filles étant exclues de la succession si elles avaient des frères «qui pussent conserver la famille», avaient droit à une dot congrue, proportionnée aux moyens de la famille, et aux usages. La dot des épouses était d’office considérée comme congrue.
[6] augment : dans le régime dotal des pays de droit écrit, le mari faisait généralement à sa femme une donation en corrélation avec la dot qu'il recevait. Pendant le mariage, le mari en jouissait comme des biens dotaux; la femme n'y avait droit qu'en cas de survie. Cet augment devint obligatoire au XIIIème siècle, pour permettre à la femme de s'entretenir suivant sa qualité: cela rappelle un peu le douaire des pays du Nord. — (Gabriel Lepointe, La Famille dans l'Ancien droit, Montchrestien, 1947 ; 5e éd., 1956, p.188)
[7] le mot latin fidéicommis (littéralement: laissé entre des mains fidèles) désigne une disposition juridique (souvent testamentaire) par laquelle un bien est versé à une personne via un tiers.


Source
ADS 6E 11827 (minutes M° Mollot 1783)